Le 12 août 2009

13ème Sommet de l’Union africaine.

Un nouveau défi : l’agriculture

 

Noël KODIA-RAMATA

 

Du 1er au 3 juillet 2009 à Syrte (Libye), s'est tenu le 13ème sommet de l’Union Africaine. Au lieu de proposer des solutions pour régler les problèmes qui affectent le continent depuis plusieurs décennies, on a encore épilogué sur le recul de la démocratie et la mise en œuvre rapide des « Etats-Unis d’Afrique » sur le contient, un projet cher à Maamar Kadhafi, leader de la Jamahiriya libyenne.

Comme au cours des précédents des sommets, il y a eu divergences sur la mise en fonction des Etats-Unis d’Afrique. Pour satisfaire tout le monde, la Commission de l’Union Africaine sera remplacée par une Autorité africaine.

Un thème louable de ce 13ème sommet  a été : « Investir dans l’agriculture pour la croissance économique et la sécurité alimentaire », thème qui semble sortir le sommet des sentiers battus des discussions politiques. Mais peut-on dissocier l’économie de la politique ? Souhaitons que Oxfam, l’ONG britannique initiateur de ce thème, ait été écoutée : elle a demandé aux Africains moins de déclarations et plus d’actions.

Quelle est image de  l’Union Africaine auprès des institutions internationales notamment de l'Union Européenne et des Nations ou des ONG internationales ? En effet, « rien de consistant » ne serait sorti de ses derniers sommets, sinon des querelles sans fin qui souvent donnent des conclusions mitigées. On pense déjà à la création des Etats-Unis d’Afrique alors que les sous-ensembles régionaux tardent à réaliser leur unité ; par exemple il est toujours pas aisée aux citoyens de la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) de voyager d'un État membre à un autre car ceux-ci gardent encore leurs frontières intérieures « fermées » au contraire de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouets (CEDEAO) qui jouisse d'une liberté de mouvement totale à l'intérieur de la communauté.

Investir  dans l’agriculture pour la croissance économique, voilà une solution qui pourrait sauver le continent car la pauvreté étant l’un des facteurs qui mène aux troubles sociopolitiques. En revalorisant l’agriculture, l’Union Africaine, interpellée par la communauté internationale, devrait comprendre que son développement peut aussi dépendre de son « sol à cultiver », surtout que le Brésil lui a  proposé son expérience dans le domaine. Mais ici se pose le problème du type d’agriculture à privilégier ; l’alimentaire devrait en principe prendre le dessus sur l’industrielle même si cette dernière semble plus rentable pour l’économie à cause de gros bénéfices qu’elle peut engendrer. Le continent ne devrait plus tomber dans le piège de l’ « agriculture coloniale » dont les dégâts sont encore perceptibles. Pour les besoins de certaines multinationales, les Africains ont été contraints de s’adonner abondamment à l’agriculture industrielle (café, cacao, coton…) en « négligeant » l’agriculture vivrière (manioc, mil, sorgho…). Après quelques années, ils ont commencé à être nourris avec l’alimentation importée de l’Occident. Même quand ils se sont efforcés à produire pour leurs propres populations, ils n’ont pas bénéficié des mêmes privilèges que leurs homologues européens et américains, qui ont des subventions de l’Etat. Aussi, les politiques imposées aux pays africains par la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International se sont révélées catastrophiques.

Demba Moussa Dembélé, dans « Les politiques macro-sociales du développement africain » spécifie que le FAO et d’autres agences des Nations Unies ont conclu qu’un grand nombre d’Africains souffrent de la faim qui provoque plus de victimes que le sida et la tuberculose réunis. L’Union Africaine vient d’être interpellée afin qu’elle investisse dans l’agriculture pour s’assurer la croissance économique et la sécurité alimentaire.

Les gouvernements africains s’intéressent-ils au développement de leur agriculture ? En 1966, Dumont disait déjà que « l’Afrique était mal partie » (Le Seuil, 1ère édition). Ce n’est plus un secret : les budgets de la Défense ont été plus importants que ceux de l’Agriculture dans la majorité des pays africains. Des indépendances à nos jours, excepté certains pays comme le Cameroun, le Sénégal et la Côte d’ivoire, la plupart des pays au sud du Sahara sont incapables d’exporter leurs produits à cause de la faiblesse de leur agriculture. Un pays comme le Congo qui a eu à promettre dans la décennie 80 « l’autosuffisance alimentaire en 2000 et l’agriculture, priorité des priorités », continue à importer massivement sa nourriture. Et pourtant des terres arables ne manquent pas sur le continent. Au lieu de louer des millions d'hectares aux Chinois, aux Coréens ou aux entreprises d'Arabie saoudites, les États africaines devraient plutôt soutenir leurs paysans en passent immédiatement à l’action économique.

Le continent est une terre d’agriculture. Mais les compétences dans le domaine (vétérinaires, ingénieurs agronomes) préfèrent travailler dans les bureaux climatisés des centres urbains alors qu’ils devraient être au service des paysans dans les campagnes. « Investir dans l’agriculture pour la croissance économique et la sécurité alimentaire », une bonne initiative qui n’aura son véritable sens que si les populations ne vivaient plus les perpétuels déplacements provoqués par les guerres interethniques. L’investissement dans l’agriculture aurait ses résultats louables si l’Union Africaines pouvait empêcher la violence politique dont les coups d’Etat militaires et anticonstitutionnels sont à l’origine. Au lieu de les condamner sans les punir, comme on le remarque au niveau de l’ONU, les dictateurs et violeurs des Constitutions (surtout en ce qui concerne la limitation des mandats) devraient voir leur pays  suspendu des Nations unies et de l’Union Africaine ainsi que des organisations internationales comme le FMI, l’Organisation Internationale de la Francophonie, l’UNICEF, l’OMS. L’alternance au pouvoir en Afrique pour une bonne gouvernance devrait passer par là.

Après ce 13ème sommet de l’Union Africaine le continent continuera à connaître la famine, les coups d’Etat militaires et anticonstitutionnels avec tripatouillages des élections et modifications des Constitutions pour se maintenir au pouvoir. L’ONU fait semblant de condamner ses situations, l’Union Européenne continue à valider les élections truquées et à caresser les dictateurs africains dans le sens du poil oubliant la jeunesse africaine qui se transforme en bombe à retardement  dont le souffle a déjà gagné l’Europe par la Méditerranée.

 

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