Le 3 octobre 2009

Note de lecture

Par Noël KODIA,

Essayiste et critique littéraire

 

Mondialisation, Paix, Démocratie et Développement en Afrique :

l’expérience gabonaise 

 

de Jean Ping

 

Voici deux ans que Jean Ping a publié ce livre de 212 pages  à l’Harmattan. L’actualité étant focalisée sur la démocratie trébuchante en Afrique et aux soubresauts de la première présidentielle gabonaise de l’après Bongo, l’ouvrage mérite d’être présenté au public.

Un livre qui se fonde principalement sur l’expérience de l’auteur dans la maîtrise de la politique africaine en général et gabonaise en particulier. Cette expérience de l’auteur est mise en relief par la personnalité de Bongo qui a marqué le continent où démocratie et mondialisation posent problème.

 

Collaborateur de Bongo, Jean Ping parait comme l’une des personnes ressources sur la politique gabonaise. Dans cette étude comparative de l’expérience gabonaise avec celles d’autres pays africains, il  esquisse des pistes de réflexion pour emmener le continent au développement. Et la mondialisation devient une réalité, avec la démocratique imposée au continent après la chute du mur de Berlin. Pendant que les autres pays de la sous-région « brûlaient », Bongo essayait de consolider sa démocratie en cultivant une paix avec ses opposants dans la dialogue, la tolérance et le partage. L’opposition gabonaise appelée à collaborer avec le pouvoir, sera moins virulente que dans certains pays de la sous-région. C’est dans ce mariage avec l’opposition que le Gabon connait une stabilité sociopolitique malgré le pillage de ses richesses par la France qui n’est pas dénoncé ici. Ping nous présente plutôt un Bongo faiseur de paix à l’intérieur comme à l’extérieur du Gabon. Pendant plusieurs décennies, il a résolu des confrontations interethniques chez lui. Aussi à la demande de l’UA et de plusieurs chefs d’Etat africains, il s’est investi dans des conflits de la sous-région, notamment au Tchad, au Centrafrique, en Angola, au Zaïre et au Congo. Pour Bongo, il n’y a pas de développement sans paix ; il mène une diplomatie préventive, faisant de son pays membre des organismes sous-régionaux comme la CEMAC, la CEAC, et internationaux telles l’UA et l’ONU. Pour consolider la paix sur le continent, le Gabon participe au programme de renforcement des capacités africaines dans le maintien de la paix. Jean Ping affirme qu’il n’y a ni prisonnier et exilé politique au Gabon, excepté Pierre Moubamba condamné par contumace en 1983 et qui vit au pays depuis 1993. En comparant le Gabon avec des puissances comme les USA et la France interpellées souvent par Amnesty International, l’auteur insiste sur l’expérience gabonaise en matière de droits de l’Homme. Vu la place stratégique qu’il a occupée dans l’arène politique gabonaise, il y’a lieu de prendre ses affirmations avec précautions car il est difficile d’être juge et partie. Mais, compte tenu de la stabilité dans laquelle ont vécu les Gabonais dans une région en effervescence, ces affirmations de Jean Ping méritent réflexions pour comprendre les turbulences  de la première présidentielle de l’après Bongo.

La mondialisation, la paix, la démocratie et le développement ne concernent pas seulement le Gabon. Aussi l’auteur pousse plus loin sa réflexion : la démocratie, d’après lui, a de la peine à s’installer sur le continent parce qu’elle a été un « mode prêt-à-porter ». L’Afrique doit être accompagnée vers plus de liberté et de règles de droit. On doit cesser de la diaboliser et de provoquer sa déstabilisation en « soutenant » les conflits sociopolitiques sur fond de mésententes inter-états ou interethniques. Pour Ping, le continent mérite un plan Marshall car la pauvreté et la démocratie ne font pas bon ménage. La misère  engendre la haine, elle est presque permanente en Afrique. L’auteur préconise quelques solutions pour aider l’Afrique à accepter la démocratie : lutter contre l’exclusion des droits économiques et sociaux élémentaires dont sont victimes les Africains.  Jean Ping se demande si cette lutte est possible dans les jeunes nations africaines quand on se confronte aux réalités politiques, économiques et sociales actuelles héritées de leur passé historique. Dans sa réflexion, il s’en prend à l’interdépendance entre le Nord et le Sud qui fait que les démocraties avancées et riches se mettent à l’abri des difficultés des pays pauvres. Se pose alors le problème de la mondialisation avec les libertés d’opinion et d’expression favorisées par la démocratie, mais qui ne sont pas malheureusement accompagnées du bien-être en Afrique. Jean Ping se demande si on peut « manger la démocratie » car malgré l’installation de celle-ci, les promesses de la Communauté internationale, la violence et la famine tardent à reculer. Mais pour lui, il n’y a pas de fatalité au développement : il révèle que l’Asie, jadis dans la même situation de l’Afrique il y a 40 ans, s’est développée. Il préconise une solution : s’adapter aux lois du marché pour survivre car toutes les sociétés humaines sont soumises à l’impératif de l’adaptation. Il constate malheureusement que les règles capitalistes appliquées aveuglement provoquent des situations intolérables. Le monde actuel étant commandé par ces règles, se développe une opinion contre le « totalitarisme globalitaire ».

En dehors de deux points fondamentaux développés par l’auteur, on remarque que celui-ci est un homme grandement cultivé comme le démontre l’imposante bibliographie qui appuie ses thèses. Il maîtrise parfaitement les problèmes qui freinent la bonne pratique de la démocratie en Afrique, malgré quelques points qui peuvent être sujet à débats, la vérité n’étant jamais absolue en sciences humaines. Ce livre nous révèle aussi bien de choses sur l’histoire de l’Afrique en relation avec celle de l’Occident.

 

 

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