FLAMBÉE DES PRIX MONDIAUX

DES PRODUITS AGRICOLES

 

Le 25 avril 2008

Regards sur les effets de la flambée des Prix en Afrique

 Sidi Tidiane Gueye

Président de la Fédération des Travailleurs africains de France

(FETAF)

Plusieurs pays d’Afrique traversent, à l’heure actuelle, une période de grande crise dont les répercussions sur le plan social sont importantes.

Les acteurs politiques, les dirigeants syndicaux et d’une manière générale les membres de la société civile y vont de leur analyse et contre propositions pour tordre le coup à ce phénomène, connu sous le vocable de la flambée des prix…

Des paramètres nombreux sont retenus pour en explorer la profondeur et la durée aux fins de prédiction pour telle nature de régime politique de s’en sortir ou au contraire de s’embourber au égard au paradigme privilégié au départ.

Evidemment, dans le cas d’espèce, la réalité se révèle plus complexe.

Exclure d’emblée la « conjoncture internationale », caractérisée par une augmentation du prix de l’énergie-induite par la dérive financière de la globalisation en cours, caractériser par un certain comportement spéculatif comme en témoigne la crise américaine des « sub-primes »  pour les opposants et, dans une certaine mesure, certains syndicalistes et autres acteurs de la société civile, le reflexe presque naturel pour pointer les responsabilités des gouvernements en place.

Mettre, à contrario, en exergue le seul facteur exogène que constitue le crise énergétique - le baril de pétrole à plus de cent (100) dollars - avec tous les effets collatéraux que cela entraine quant à la structure des prix des matières premières et celle des salaires, est pour beaucoup de gouvernants un moyen de trop exagérer l’impact de tels facteurs exogène pour ne tracer aucune perspective.

 

Il est bien connu : le recours à l’Ajustement structurel par le biais du social est une donnée fondamentale de la politique des grandes institutions financières et commerciale. Un mode de régulation en sorte, au détriment des pays faibles, de leurs habitants les plus exposés.

 

Nous sommes donc en pleine période de déréglementation et la perspective d’une hypothétique gouvernance mondiale reste une simple clause de style, de la rhétorique sans frais.

 

Les masses, quant à elles, répondent à tous ces stimuli, depuis quelques temps, par des séries d’actions de protestation fortement préjudiciables à la paix sociale et aux prémices d’une croissance économique, encore balbutiante, mais effective du continent.

 

Mais peut-on raisonnablement reprocher ceux protagonistes de la contestation populaire de ruer sur les brancards dans les circonstances actuelles ? Car, comme dirait l’autre : « la Colère du droit est un élément de progrès ».Même s’il faut se garder d’en faire un principe absolu.

 

Souligner le caractère exceptionnel de l’environnement international pour mieux insister sur la gestion domestique de la situation à la faveur d’une politique bien maîtrisée n’est en rien antinomique avec la reconnaissance du droit aux syndicats de prétendre au mieux disant social dans toute politique de contractualisation avec l’Etat.

 

À ce propos notre conviction est que le mouvement syndical africain - comme le souligne l’organisation de l’unité syndicale africaine (OUSA) - constitue un parangon indispensable à même de contrer toute volonté néocoloniale de reconquête économique du continent.

 

Et le leadership africain, en encourageant une diversification de l’économie et en optant pour un partenariat multiple et pluridimensionnel, a placé le continent sur la bonne voie…

 

La remarque qui  s’impose, et qui est à notre avis d’importance capitale, est celle-ci : doit-on céder à la dictature du court terme à laquelle sont astreints bon nombre de pays à la faveur d’une certaines politique des grandes institutions financières, au risque, le cas échéant, de compromettre une vision à long terme de la gestion politique et économique ?

Résoudre cette équation, voilà l’exercice auquel il faut s’attaquer.

 

Briser, par ailleurs, le cycle infernal de la dépendance alimentaire pour satisfaire à l’exigence souveraine de l’autosuffisance alimentaire ne relève pas d’une  simple opération du Saint-Esprit.

La souveraineté alimentaire est certes, un objectif majeur des objectifs du Millenium pour l’éradication de la pauvreté, mais un  tel objectif s’inscrit dans une stratégie à long terme.

 

En l’occurrence pour les pays africains, comment peut-il en être autrement quand on sait que la quasi-totalité des systèmes agricoles de ces derniers ont été désarticulés pendant plusieurs décennies ? Il importe, dès lors, d’affirmer les stratégies déjà mises en branle : soit pour amortir, soit pour circonvenir les injonctions de certaines institutions financières internationales. Car, en dernier ressort, ce qui importe pour les gouvernements c’est de parvenir à alléger le fardeau des populations  .Et un vaste élan de solidarité nationale peut y aider également.

 

Il nous semble, vu sous cet angle, qu’aucun dirigeant, un tant soit peu patriote, ne doit se défausser de ses responsabilités, mais bien au contraire doit s’employer à tout mettre en œuvre pour juguler la crise.

 

D’un pays à l’autre des mesures d’urgence sont prises. Et en l’occurrence les décisions du gouvernement sénégalais de débloquer 10 milliards de francs Cfa pour le monde rural, même de portée locale, est bonne.

 

L’inscrire dans un plan à long terme de modernisation de l’agriculture qui suppose la fin d’un long cycle d’une économie extravertie, vieux de plus de trente(30) ans, voilà, selon nous, la bonne direction.

 

Notre droit au développement ne nous sera jamais octroyé ; nous devons l’arracher. Convaincus de tout cela, nous autres membres de la DIASPORA  Africaine d’Europe - répondant à l’appel du très grand panafricaniste Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal, qualifié de visionnaire par Ziegler - avons mis sur pied un collectif anti APE pour exprimer notre farouche opposition, lors d’une belle et grande manifestation le 11 Janvier à Bruxelles, à cette mise à mort à terme de l’agriculture africaine par exemple.

 

Et c’est parce que l’Afrique s’éveille qu’elle entend faire de son unité l’alpha et l’oméga de son programme politique de développement. Dès lors, notre devoir de vigilance s’impose.

 

À notre sens, une telle exigence est transpartisane…

 

Avant de terminer ce rapide survol, un passage des « Misérables » de Victor Hugo m’inspire et je livre à votre appréciation et méditation :

 

« Qu’on ne se méprenne pas sur notre pensée, » nous ne confondons pas ce que l’on appelle « opinion  politique » avec la grande aspiration au progrès, avec la sublime foi patriotique, démocratique et humaine qui, de nos jours, doit être le fond même de toute intelligence généreuse 

 

 

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