L'AFRIQUE FACE AU DÉVELOPPEMENT DU SOUS-DÉVELOPPEMENT :

ON A TOUT ESSAYÉ

 

 

Depuis quelques années, à chaque réunion du G8, des chefs d'États africains sont invités à venir parler de l'Afrique à leurs homologues et chefs de gouvernement des huit pays les plus riches du monde. Les questions abordées tournent toujours autour du développement économique du continent africain : annulation de la dette, lutte contre pauvreté, mobilisation des financements en faveur du développement et, depuis peu, immigration clandestine, etc. Au sortir de là, les africains repartent avec les promesses des pays développés de mobiliser plus de ressources pour aider au développement de leur continent.

Qu'est-ce que le développement ?

En 1961, l'Assemblée générale des Nations unies lance l'idée d'une « décennie de développement ». Les années 60 sont considérées comme stratégiques pour aider les pays du tiers-monde à sortir de la pauvreté et rattraper les pays développés. Dans l'optique de la pensée dominante à l'époque, le développement suppose d'abord la croissance économique, mesurée par l'évolution du produit national brut. Mais il est également compris comme une transformation sociale et culturelle très globale : celle de sociétés traditionnelles en sociétés industrielles et modernes. En d'autres termes, le développement implique donc le passage de l'économie rurale à l'économie urbaine, la scolarisation de la population et la transition démographique. Il s'agit donc de faire passer les pays sous-développés (Afrique, Amérique latine et Asie) à l'état de sociétés modernes. Il suffit pour cela d'injecter suffisamment d'argent dans lesdites économies et attendre. Mais, pourquoi, malgré les capitaux injectés dans ces économies depuis en un demi-siècle le développement n'a pas été au rendez-vous ?

En quoi consiste le développement ?

L'échec du développement est visible en Afrique subsaharienne (notamment en Afrique francophone), depuis au moins trois décennies, n'en déplaise à ceux qui pensent que l'évoquer c'est verser dans l'afropessisme. Günter Frank n'a pas hésité à parler de " développement du sous-développement " et René Dumont de " non-développement ".

Les dirigeants africains soutiennent que l'Afrique progresse : pour preuve, la croissance du revenu par habitant, la progression de la téléphonie mobile, les immeubles qui poussent comme des champignons, les embouteillages dans les grandes villes (comme à Paris, New York, Londres ou Berlin), etc. Mais, les images apocalyptiques  que renvoient l'Afrique infirment cette analyse. Certes, lentement mais surement, quelques pays (Afrique du sud, Botswana, Namibie, Sénégal) progressent. Mais l'Afrique subsaharienne aujourd'hui :

  • c'est d'abord, sur le plan politique, des pays bloqués par des chefs d'État omnipotents. Ces derniers se sont donnés les moyens de bâtir des " républiques monarchiques " après celles de la " présidence à vie ". La république monarchique est un système où les enfants ou les neveux se préparent à succéder au patriarche qui détient le pouvoir " républicain " à vie. Certains parlent du glissement de la " démocrature " à la  " dictature héréditaire ".

  • c'est ensuite, sur le plan économique et social: les famines, les guerres civiles et les violences en tous genres, les hôpitaux délabrés, les routes défoncées, les problèmes d'environnement, la résurgence des maladies de la pauvreté, les migrants clandestins qui tentent de gagner l'Europe au péril leur vie, les enfants qui ne peuvent plus aller à l'école, etc.

Tout ceci conduit à poser la question de savoir en quoi consiste le développement ?

L'Afrique a été utilisée comme théâtre d'expérimentation de toutes sortes de théories par les institutions internationales et autres agences de développement qui ont dépêché des milliers d'experts et conseillers techniques sur le continent pour les mettre en œuvre. Par ailleurs les flux financiers n'ont pas manqué même s'ils n'ont pas été à la hauteur des promesses faites par les grandes puissances.

" Si le développement est une croissance organique permettant à un organisme, ou à une société de se développer jusqu’à maturité, le développement apparaît effectivement comme un idéal qui peut être souhaitable pour tous. Mais la notion de développement a une histoire et traîne avec elle tout une série de connotations. Au sortir de la deuxième guerre mondiale, l’invention du concept de développement a créé dans son sillage l’émergence d’un monde sous-développé et donc à développer. La matrice est profondément occidentale, et le développement a pu prendre la suite du rôle que pouvait jouer lors de l’époque des colonisations l’idée de civilisation. Dans le passé, le rapport de l’Occident aux « autres » s’est longtemps manifesté comme mission de christianiser, de civiliser les barbares et les sauvages. On est passé ensuite à l’idée de devoir les développer.  Dans la perspective d’une société qui croit en la maîtrise absolue de l’homme sur la nature, en une évolution historique linéaire vers le progrès, en l’amassement illimité de richesses (comme signe même de grâce divine), des sociétés valorisant par exemple l’inscription de l’Homme dans le cosmos, dans un temps cyclique et dont la cohésion sociale se structure plutôt autour de devoirs à remplir plutôt que de droits à exiger et qui prônent l’autosuffisance, le contrôle de l’accroissement de richesses pour éviter une possible concentration créatrice de situations de pouvoir et de dépendance, ne peuvent apparaître que comme primitives, comme bloquées à un stade antérieur du progrès ou du développement humain. C’est par rapport au modèle du développement occidental que le fait de ne pas avoir d’eau courante ou d’électricité a pu être décrété au sortir de la deuxième guerre mondiale comme une pauvreté qu’il fallait éradiquer. Pour « civiliser » peut-être, mais aussi, ne nous leurrons pas, pour le but pragmatique de pouvoir ouvrir de nouveaux marchés" (Christoph Eberhard, 2004). " On prétend aider les pays en développement alors qu’on les force à ouvrir leurs marchés aux produits des pays industriels avancés, qui eux-mêmes continuent à protéger leurs propres marchés. Ces politiques sont de nature à rendre les riches encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres – et plus furieux " (Joseph Stiglitz, 2002).

On a tout essayé

En juin 2002 à Kananaskis (Canada), sur invitation du G8, quatre Chefs d’Etats africains (Afrique du Sud, Algérie, Nigeria et Sénégal) sont allés défendre le NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique). Le NEPAD est présenté par ses concepteurs comme une approche novatrice susceptible de permettre à l’Afrique de combattre efficacement la pauvreté et la misère qui touchent très largement les populations du continent. En réponse au NEPAD, les dirigeants des huit premières puissances du monde ont opposé le PAA (Plan d’action pour l’Afrique).

Le PAA, déjà évoqué au G8 de Gènes en Italie en juillet 2001, était la dernière initiative d’une série déjà longue de plans et programmes, etc., dont les premiers remontent aux années 1960 avec la résolution de l’Organisation des Nations Unies (1961) qui adoptait la Première décennie du développement (1961-70) avec comme objectif : une croissance de 5 % pour les pays en développement. Par ailleurs, les pays du Nord devaient sous forme d’aides et de prêts, transférer 1 % de leur PIB (produit intérieur brut) vers les pays en développement. A la suite de la première décennie du développement les Nations Unies déclarait une deuxième couvrant la période 1970-1980 avec comme objectif de croissance : 8 % pour l’industrie et 4 % pour l’agriculture.

 

 

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