Victor DOULOU, Hilaire BABASSANA, Joseph MBANDZA, Michel BITEMO,  Emilienne RAOUL MATINGOU,

Benoit LIBALI, Rose Asta WARY CALAFFARD, Abel KOUVOUAMA, Joseph NGUEMBO

 

 

 

Alternatives stratégiques de la lutte

contre la pauvreté au Congo

 

 


 

Conclusion

Il n’est pas aisé d'entreprendre une étude sur la pauvreté en raison de l'étroite interrelation des aspects économiques, politiques, psychologiques, culturels, sociaux du phénomène, de la diversité de leur combinaison. Il faut cerner la pauvreté comme une question socio-économique dont les causes et les dimensions sont inséparables du développement de l'économie mondiale dominante : la pauvreté ne peut plus être comme un phénomène pathologique, car elle est devenue fonctionnelle. En effet, les règles de fonctionnement du système dominant exigent une sorte d'équilibre conflictuel entre la nécessité d'assurer la survie et la reproduction de la force de travail à un coût économiquement acceptable, tout en garantissant un niveau de vie minimum qui soit politiquement acceptable, c'est-à-dire suffisant pour minimiser les risques d'explosions sociales.

Richesse et pauvreté, comme pauvreté et sous-développement deviennent ainsi des termes réciproquement indissociables de même que les termes développement et sous-développement.

Les dimensions structurelles de la pauvreté ne peuvent être comprises qu'à travers les mécanismes d'aggravation du sous-développement. Ce qui revient également à dire, que dans le contexte actuel de la mondialisation des économies, une étude sur l'inégalité et la pauvreté dans les pays africains, ne saurait se situer en dehors du contexte général des rapports entre pays développés et pays en voie de développement. De ce qui précède, il découle que la pauvreté apparait par ses ramifications comme un phénomène totalisant. Il s'ensuit que l'étude de ses causes ainsi que la formulation des stratégies de lutte contre la pauvreté, doivent s'intégrer dans le cadre d'une théorie unifiante du développement.

En ce qui concerne le Congo, il est tout à fait révélateur que la pauvreté est un phénomène structurel historiquement daté. Le Congo ayant choisi à une époque de son histoire l'option politique du socialisme scientifique a bénéficié au cours de la même période de la manne pétrolière. Ce concours de circonstance a permis de renforcer un Etat patrimonial qui redistribuait la rente issue des ressources tirées presque exclusivement du pétrole. Les populations avaient déjà acquis un niveau vie et des comportements qui ne leurs permettaient pas d'imaginer la pauvreté telle qu'elle est décriée maintenant. En effet, la lecture des indicateurs des figures de la pauvreté n'indiquent presque pas de différences entre les catégories des pauvres et des non pauvres. Dans certains cas (la propriété du logement par exemple), les pauvres paraissent les mieux lotis que les non pauvres. Les mauvais choix des politiques d'investissement publics, les détournements des deniers publics, auxquels sont venus s'ajouter les effets pervers des Programmes d'ajustement structurel, de la dévaluation du FCFA, ont induit la pauvreté dans un pays qui, jusqu'à la décennie 1980, était considéré comme pays à revenu intermédiaire mais qui est actuellement tombé dans la catégorie des pays a revenu faible.

Les autorités du Congo ont choisi de définir la pauvreté, non pas uniquement comme un défi économique, mais aussi comme la somme des urgences sociales et politiques qui freinent l'épanouissement de l'individu. Au Congo, on ne meurt pas encore de faim. Cependant, une bonne frange de la population souffre du manque de besoin tout aussi élémentaire que la nourriture : l'accès à l'eau potable, la possibilité de se soigner, de s'éduquer, etc.

 La pauvreté affecte de manière différentielle les catégories de la population. A ce titre, les femmes sont les premières victimes. En milieu rural, les femmes sont touchées par des formes particulières de pauvreté qui dérivent de leurs multiples responsabilités dans la création du revenu familial, et la gestion de l'univers domestique. Les enfants abandonnés, phénomène surtout observé dans les grandes villes, les handicapés physiques, les sinistrés des guerres civiles et politiques, sont aussi de grandes victimes de la pauvreté du Congo.

La limite temporelle de la phase d'enquête proprement dite et l'insuffisance des moyens financiers n'ont pas permis d'approfondir l'investigation sur ce phénomène de pauvreté ; toutefois cette étude a eu le mérite de fixer le seuil de pauvreté au Congo tant en zone rurale qu'en milieu urbain. Le champ d'étude qui est suffisamment représentatif peut donner une indication sur le caractère national du phénomène.

Les conséquences de cette pauvreté sur la scolarisation sont telles que le Congo est non seulement en régression mais hypothèque surtout ses atouts de développement. En effet, de nos jours, le développement des capacités des ressources humaines est la condition sine qua non d'un développement socio-économique harmonieux et durable.

Comme stratégies de lutte, les approches de compartimentalisation sectorielle et de fragmentation de la pratique sont loin de résoudre le problème de la pauvreté, de ses causes et de ses remèdes qu'il convient de considérer fondamentalement, comme un problème d'inégalité et de changement social. Ce changement social étant considéré comme un ensemble d'exigences de justice sociale et de participation populaire des couches les plus défavorisées.

Les stratégies de lutte doivent être conçues à différents niveaux, mais elles doivent surtout être orientées vers l'allocation des ressources vers les pauvres eux-mêmes. Par ailleurs, ces stratégies doivent aussi constituer une opportunité pour la création et la mobilisation de l'épargne pour l'investissement dans les secteurs de la production populaire et des économies régionales.

Pour ce faire, les stratégies à mettre en œuvre devraient permettre de promouvoir des mesures et des actions visant à:

  • améliorer la productivité et les revenus des emplois existants dans les secteurs de production populaire (agriculture, élevage, pêche pisciculture, foresterie, artisanat). Ces secteurs sont, en effet, contrôlés par les producteurs paysans et les artisans urbains ;

  • créer de nouvelles opportunités d'emplois et de revenus notamment dans les divers secteurs structures et informels, c'est-a-dire dans les sphères économiques des pauvres.

Dans cette perspective, les politiques d'investissement, de formation, de structuration, d'organisation et d'appui divers aux secteurs intéressant les pauvres et les plus pauvres devraient être coordonnées et synchronisées dans le cadre d'une stratégie globale de développement.

Enfin, les stratégies de lutte intègrent les rapports anthropo-sociologiques en ce qu'elles sont, au plan individuel, sociétal et/ou groupal, des réponses données en fonction de la perception culturelle de la pauvreté. La dimension culturelle de la pauvreté apparait ainsi comme une des composantes essentielles qu'il faille prendre en compte dans les stratégies à proposer. La prise en compte de cette dimension contribue à améliorer davantage l'approche du développement ancrée dans la sphère des pauvres qui représentent une expression particulière et dynamique d'aspirations, de préférences, de rapports avec les biens et outils ou avec les autres (etc.), en fonction desquels ils réagissent devant la situation de pauvreté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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