Michel MILANDOU

________

 

DE L’ENDOCTRINEMENT ÉCONOMIQUE: À PROPOS DE LA DETTE ?

 

Depuis quelques années, la pratique de la théorie économique s’est laissée envahir par un thème porteur surtout au niveau des organismes internationaux, la dette. Par son caractère jugé catastrophiquement, elle est passée maître dans l’art de la mutation. C’est ainsi qu’elle est devenue un processus quasi-épidémiologique, distillant la pauvreté par ici, le freinage du développement économique par là: l’endettement. Mon propos dans cette réflexion est de montrer que cette dette n’est pas économique et que l’endettement est beaucoup plus un concept politique que l’on se borne à diagnostiquer économiquement d’où l’inefficacité des différentes analyses.

Un concept clé dans l’histoire du développement économique: le crédit

Du latin credere, le concept de crédit est assis sur la foi. La foi dans la rentabilité d’un investissement productif, que l’on se trouve dans la sphère de la production à proprement parler ou dans la sphère de la commercialisation. Ceci a permis l’émergence de la classe des détenteurs de capitaux qui peuvent faire des avances financières aux entrepreneurs. Smith peut aller titrer: « du crédit et de la monnaie. » En termes comptables, il y a dette, puisque les détenteurs de capitaux cèdent leurs avoirs contre remboursement avec profit auprès des entrepreneurs qui ont, au préalable, évalué les gains qu’ils peuvent tirer d’un tel endettement. C’est une opération à risque dans laquelle chaque partie évalue la teneur du risque encouru et exige des garanties.

Dans le crédit, il n’y a pas que le détenteur de capitaux qui exigent des garanties. Il évalue le risque-client et prend sa décision en considération de cette évaluation. L’emprunteur cependant est presque dans la même démarche. Il évalue le risque-produit, lequel est le seul à le décider de s’engager dans ce processus d’endettement. Le contrat qui en sortira reflètera les deux évaluations en ce sens que les conditions de conciliation des deux positions sont strictement économiques( cession de dette, cession d’actifs, prise de participation…). Voilà comment la dette créée par le crédit est un fait essentiellement économique.

L’évaluation signifie l’analyse approfondie des risques encourus et des gains prévisionnels : les gains sont multiformes et peuvent être de l’ordre indirect ; ceux qui permettent de réaliser des économies de tous genres.

La microéconomie comme cette nouvelle voie

Depuis que des ONG et autres humanitaires ont envahi l’espace économique, les organismes de référence ont inventé le « PPTE ». Si pour certains observateurs, il y a là la marque manifeste d’un tutorat international sur les politiques macroéconomiques en toute souveraineté des pays ainsi saisis, on peut y voir une incompréhension sémantique. Au moment où dans l’analyse économique, les tendances de la microéconomie sont présentées comme les bonnes tendances que doit suivre la macroéconomie, on ne comprend pas pourquoi l’analyse microéconomique ne s’appliquerait pas au processus d’endettement macroéconomique. Le pays pauvre très endetté deviendrait rapidement comme un lapsus, tant l’interrogation sur les conditions de son surendettement est de toute force. Car, sur le plan international, la pauvreté se conçoit en termes d’aide à la coopération, de dons et donc des relations internationales ou intergouvernementales. Ce qui signifie que l’initiative PPTE et son œdème « DSRP » (document stratégique de réduction de la pauvreté) n’est qu’une forme voilée d’approbation de la mal-gouvernance.

Ainsi, la problématique de la dette des nations africaines surtout, et de l’Afrique zone BEAC, plus précisément, est beaucoup plus une problématique politique à consonance économique parce qu’au centre se trouvent les finances. Aussi le débat qui s’ensuit sur l’effacement de ladite dette est un mirador pour l’analyse économique. Celle-ci, pour éviter de subir des attaques des sciences dures à l’instar de celle formulée il y a déjà bien longtemps par Karl Popper, attaque sur les capacités réelles des sciences économiques à apporter une quelconque réponse satisfaisante à un problème socioéconomique pour une science qui se prétend science, doit se défaire de ce boulet politique à son pied. Alors, l’analyse économique doit laisser la dette à elle-même.

 

 

Copyright @ 2006-2020 Centre d'études stratégiques du bassin du Congo   -   Tous droits réservés