RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Le 10 octobre 2007

Aimé D. MIANZENZA

PERCÉE TONITRUANTE DE LA CHINE  EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO :

6 MILLIARDS DE US$ DE PRÊT QUI  REND NERVEUX LES EUROPEENS

Les manœuvres destinées à occuper le vide qu'entendaient laisser les Européens qui ont affirmé que l'Afrique ne rapportait rien à l'Europe ont commencé. Après les États-Unis avec Africom, la Chine passe à la vitesse "hypersonique". Le pays de Mao a décidé d'accorder  à la RDC un prêt faramineux de plus de six milliards de US$ (2 811 milliards de FCFA), soit environ 50 % de la dette extérieure du pays dont le stock est estimé à 14 milliards de U$ en 2007.

Ce prêt sans condition, servira à  l’amélioration de ses infrastructures vitales (routes et autoroutes, de voies de chemin de fer, des écoles et des hôpitaux) et le développement de son secteur minier.

Le précédent chinois en RDC

La coopération de la Chine avec la RDC remonte à Mobutu. Le pays de Mao avait octroyé, sans condition et sans intérêt, un crédit de 100 millions de dollars à l’ex-Zaïre. De même la Chine avait entrepris de construire quelques infrastructures socio-économiques dans le pays : stade de Martyrs et Palais du peuple à Kinshasa, usine sucrière à Lotokila dans la province Orientale. Enfin tout dernièrement, la Chine a livré aux autorités congolaises un centre hospitalier qu'elle a construit dans la commune de N’Djili à Kinshasa.

Cette fois, il ne s’agit plus d'un simple lifting. On parle de projets pharaoniques destinés remodeler la République démocratique du Congo. Si tous les projets devaient se concrétiser, " il n’y a pas de doute que l’on assistera à un véritablement bouleversement de la physionomie de ce pays, jusqu’à imposer la relecture des stratégies de partenariat arrêtées jusqu’ici.

Avec près 850 milliards de US$ de réserve de change dont une grande partie se trouve dans les banques étatsuniennes, la Chine dispose aujourd'hui d'une puissance financière pour développer sa coopération avec les pays pauvres comme aucun autre pays riche.

La situation vue par deux analystes kinois (Freddy MONSA I. D. et Faustin KUDIESALA)

Freddy MONSA I. D. et Faustin KUDIESALA du Potentiel, média paraissant à Kinshasa, le soulignent très bien dans un article paru le 19 septembre. Selon leur analyse " Quand il faut parler coopération, la Chine ne va pas par quatre chemins. Elle sait que l’Afrique veut se relever, mais manque cruellement de moyens financiers nécessaires pour soutenir un tel défi. Face à un partenaire en difficulté, la Chine opte donc pour le concret, peu importe l’existence des pesanteurs comme celles souvent brandies par l’Occident pour conditionner son aide. C’est-à-dire la démocratie, le respect des droits de l’homme et la bonne gouvernance. Mais quand il s'agit de l'Afrique, l'Occident est-il vraiment regardant sur les Droits de l'homme et des peuples ? "

La Chine ne s’est donc pas démentie en se tournant vers la République démocratique du Congo. Son intervention n’a pas été subordonnée à quoi que ce soit. Il est orienté vers des projets bien ciblés.

Des projets pharaoniques

Trois milliards de dollars américains seront consacrés à la construction de 3 213 kilomètres de voies de chemin de fer entre Sakania (Katanga, Sud-est) et Matadi (Bas-Congo, ouest), ainsi qu’à la réhabilitation et la construction d’une auroute reliant Kisangani (Province Orientale, Nord-est) à Kasumbalesa (Katanga), sur 3 402 kilomètres.

Une autoroute entre Lubumbashi et Kasumbalesa. D’autres travaux de voirie d'une longueur totale estimée à 450 kilomètres seront également financés par cette enveloppe dans différentes villes du pays dont l'autoroute urbaine devant relier le centre-ville de Kinshasa à l’aéroport international de N’Djili. Il est aussi prévu la construction, à travers le pays, de 31 hôpitaux, de 145 centres de santé, de deux grandes universités de standard international ainsi que de 5.000 logements sociaux.

Le secteur minier n’a pas été oublié. L’accord de prêt prévoit deux milliards USD pour relancer l’exploitation minière, dans le cadre de partenariat entre des entreprises des deux pays.

C'est donc autant de secteurs qui vont échapper aux sociétés occidentales, elles qui attendaient un retour d'investissement après l'implication de l'Europe dans la sécurisation du processus électoral qui marquait l'aboutissement de la fin de la transition politique en place après les accords de Sun City (Afrique du Sud).

L'exigence des Occidentaux

L'Occident exigeait qu'un programme soit défini, qu’un cadre d’intervention soit tracé avant la concrétisation de toute coopération économique. La Chine savait que la RDC ne sera pas capable d'attendre. La RDC a besoin d’argent et de beaucoup d’argent. La tactique de la Chine n’a pas été celle d’attendre que la RDC se dote d’un programme avant d'intervenir. Elle est venue quand les autres continuent à tergiverser, conditionnant souvent leur intervention à des préalables, certes importants pour réunir toutes les chances de réussite, mais à réalisation douteuse pour un pays post-conflit, surtout le Congo qui sort d’une guerre complexe qui a suivi la chute de dictature mobutiste soutenue à coup de plusieurs milliards de dollars par les Occidentaux .

La puissance asiatique a surpris plus d’un Occidental de voir la Chine mener une telle offensive diplomatique en RDC qui débouche sur un accord de partenariat économique important. Comment expliquer ce résultat ?

Il existe plusieurs raisons. Notamment le fait que l’Occident, représenté par le groupe des bailleurs de fonds de la RDC, a attendu trop longtemps pour s’exhiber alors que le pays sombre dans l’abîme. Depuis 2001, les partenaires multiplient préalables et conditions pour délier les cordons de leur bourse. Or La RDC n'a plus le temps d'attendre face à l'urgence de la reconstruction.

La Chine a bien compris le problème des congolais en réagissant rapidement avec cinq milliards de US$ en faveur de la RDC à quelques jours seulement de l’arrivée à Kinshasa des experts du Fonds monétaire. La Chine aide et investit utilement en Afrique. Comme d’autres pays africains, la RDC n’a pas su résister au charme chinois.

S’assumer pleinement

Mais l’apport de la Chine n’est nullement une manne tombée du ciel. Il s’agit bel et bien d’un prêt qui aura des effets d’entraînement sur le poids de la dette extérieure de la RDC. Certes, la Chine a de bonnes habitudes de se convenir avec ses partenaires pour fixer les modalités très généreuses de remboursement de la dette bilatérale.

Cependant, cela ne signifie pas que les Congolais ont « gagné la partie des cinq chantiers » pour commencer à festoyer, laisser les Chinois travailler pendant que d’autres congolais se mettront sûrement à « piller ». Ce serait d’ailleurs aller à l’encontre des idées cardinales de la philosophie de Conficius, chère aux Chinois

La partie congolaise devra, par conséquent, assumer sa part de responsabilité en respectant ses engagements. C’est à ce point qu’il faut rejoindre les exigences de l’Occident sur la bonne gestion ou gouvernance.

Le Fonds monétaire international (FMI), relayant les inquiétudes de bailleurs internationaux, a mis en garde mercredi contre l'impact macro-économique que pourrait avoir en République démocratique du Congo (RDC) un prêt de 5 milliards de dollars envisagé par la Chine.

La RDC recèle d'immenses ressources naturelles, dont 34% des réserves mondiales connues de cobalt et 10% des réserves de cuivre. Mais 75% de ses 60 millions d'habitants vivent avec moins de 1 dollar par jour. Ces fabuleuses richesses suscitent la convoitise de divers opérateurs publics et privés, nationaux et internationaux, formels et informels. Les plus grandes multinationales y sont présentes depuis longtemps. Les petites sociétés, des négociants individuels chinois et indiens et libanais affluent en masse depuis quelques années. Selon les Nations Unies, environ 90% des exportations minières de la RDC sont illégales.

 

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