Le 8 mai 2007

LES UNIVERSITÉS D'AFRIQUE À L'ÉPREUVE DU CLASSEMENT ARWU

DES MEILLEURES UNIVERSITÉS  DU MONDE

 

par Aimé D. MIANZENZA

Depuis 2003, l'université Jiao Tong de Shanghaï publie un classement des 500 meilleures universités du monde. Ce classement ou Academic Ranking of World Universities (ARWU) fait aujourd’hui  figure de référence dans le monde des institutions d'enseignement supérieur de la planète. En 2005, The Times Higher Education Supplement (THES) s’est lancé à son tour dans cet exercice. Selon le classement 2006, en ce qui concerne l'Afrique, seules l'Afrique du Sud et l'Égypte parviennent à placer leurs établissements. Ce classement confirme une situation hélas connue : la marginalisation du continent.

Critères d'évaluation et limites

L'évaluation est faite à partir des seuls critères académiques et de la recherche qui sont, selon les chercheurs de l'université Jiao Tong de Sanghaï, de bons indicateurs de la réputation internationale d'un établissement : lauréats du prix Nobel, nombre de chercheurs de haut niveau, articles parus dans Nature et Sciences et dans l’Index des citations (scientifiques et sciences sociales) et performance universitaire de chaque institution, etc. Une pondération est attribuée à chaque critère, tel que le montre le tableau 1 qui suit.

Tableau 1. Critères et indicateurs d'évaluation 

Critère

Indicateur

Pondération

Qualité de l'éducation

Nombre de prix Nobel et de médailles Fields parmi les anciens élèves

10 %

Qualité de l'institution

Nombre de prix Nobel et de médailles Fields parmi les chercheurs

20 %

Qualité de l'Institution

Nombre de chercheurs les plus cités dans leurs disciplines

20 %

Publications

Articles publiés dans Nature and Science*

20 %

 

Articles dans Science Citation Index-expanded (SCIE), Social Science Citation Index (SSCI), and Arts & Humanities Indices (AHCI)

20 %

Taille de l'institution

Performance académique au regard de la taille de l'institution

10 %

Total

 

100 %

* Pour les établissements d'enseignement des sciences humaines et sociales, ce critère n'est pas considéré ; la pondération est réallouée aux autres critères.

Selon ses initiateurs, l'ARWU comporte de nombreuses limites, notamment : un biais qui favorise les pays anglophones et les institutions de grande taille ; des difficultés à définir des indicateurs adéquats pour classer les universités spécialisées dans les sciences sociales.

Le nombre d'universités évaluées

Pour l'étude 2006, plus de 2000 universités ont été évaluées et un classement de plus de 1 000 universités a été établi. Le classement final est la résultante de plusieurs classements spécifiques déterminés en fonction de la spécialisation des différents établissements (science de l'ingénieur, mathématique, médecine, économie, agronomie, sciences humaines et sociales, etc.)

Le classement

L'ARWU montre la suprématie des États-Unis dans le domaine de la formation et de la recherche. En effet, depuis la création du classement en 2003, les institutions étasuniennes occupent 17 places dans le Top 20 des meilleures universités de formation de la planète, ce qui correspond à un taux de 85%. En 2006, on compte 54 établissements américains dans le Top 100 ; 87 dans le Top 200; 118 dans le Top 300; 140 dans le Top 400 et 167 dans le Top 500.

Tableau 2. ARWU - 2006 par région(1)

 

Région

Top 20

Top 100

Top 200

Top 300

Top 400

Top 500

États-Unis & Canada

17

(85%)

58

(57,4%)

96

(48,0%)

135

(45,0%)

160

(40,0%)

191

(38,2)

Amérique latine (2)

0

(0%)

0

(0%)

2

(1%)

2

(0,7%)

4

(1%)

5

(1%)

Europe

2

(10,0%)

34

(33,7)

78

(39,0%)

122

(40,7%)

171

(42,8%)

207

(41,4%)

Asie/Pacifique

1

(5,0%)

9

(8,9%)

24

(12,0)

40

(13,3)

63

(15,8)

92

(18,4%)

Afrique

0

(0%)

0

(0%)

0

(0%)

1

(0,3%)

2

(0,5)

5

(1,0%)

Total

20

(100%)

101

(100%)

200

(100%)

300

(100%)

400

(100%)

500

(100%)

(1) Le chiffre entre parenthèse donne la part dans le total

(2): L'ARWU intègre les États-Unis, le Canada et l'Amérique latine dans une seule et même région : Amérique du Nord et Amérique latine.

Source : Shangaï Jiao Tong University, Academic Ranking of World Universities - 2006, Shanghai, Institute of Higher Education.

 

Deux autres pays parviennent à placer leurs établissements dans le Top 20  : Royaume-Uni (2 universités) et le Japon (1) comme le montre le tableau 3 qui présente le classement des universités par pays.

En ce qui concerne l'Afrique, deux pays apparaissent dans le classement ARWU-2006 : l'Afrique du Sud qui place quatre universités et l'Égypte qui en compte une. Depuis la création de l'ARWU en 2003, les quatre universités sud-africaines (dont les universités de Cap Town et Witwatersrand classées respectivement 252e et 396e) ont toujours figuré au palmarès, ce qui permet à l'Afrique du Sud d'occuper la 27e place du classement par pays. Quant à l'Égypte qui apparaît pour la première fois avec l'ARWU-2006, elle se place 35e du classement.

 

Tableau 3. ARWU-2006 par pays

 

Rang

Pays

Top 20

Top 100

Top 200

Top 300

Top 400

Top 500

1

Etats-Unis

17

54

87

118

140

167

2

Royaume-Uni

2

11

22

33

37

43

3

Japon

1

6

9

12

20

32

4

Allemagne

0

5

15

22

36

40

5

Canada

0

4

8

16

19

22

6

France

0

4

6

12

17

21

7

Suède

0

4

4

9

11

11

8

Suisse

0

3

6

7

7

8

9

Pays-Bas

0

2

7

9

12

12

10

Australie

0

2

6

9

11

16

11

Italie

0

1

6

7

14

23

12

Israël

0

1

4

4

6

7

13

Danemark

0

1

3

4

4

5

14

Norvège

0

1

1

2

3

4

15

Finlande

0

1

1

2

2

5

16

Russie

0

1

1

1

2

2

17

Belgique

0

0

4

6

7

7

18

Chine

0

0

3

9

15

19

19

Corée du Sud

0

0

1

3

6

9

20

Espagne

0

0

1

3

5

9

21

Autriche

0

0

1

3

5

7

22

Brésil

0

0

1

1

3

4

23

Singapour

0

0

1

1

2

2

24

Argentine

0

0

1

1

1

1

25

Mexique

0

0

1

1

1

1

26

Nouvelle Zélande

0

0

0

2

2

5

27

Afrique du Sud

0

0

0

1

2

4

28

Ireland

0

0

0

1

2

3

29

République Tchèque

0

0

0

1

1

1

30

Grèce

0

0

0

0

2

2

31

Hongrie

0

0

0

0

2

2

32

Pologne

0

0

0

0

2

2

33

Inde

0

0

0

0

1

2

34

Chili

0

0

0

0

0

1

35

Egypte

0

0

0

0

0

1

 

Total

20

101

200

300

400

500

Source : Source : Shangaï Jiao Tong University, Academic Ranking of World Universities - 2006, Shanghai, Institute of Higher Education.

 

Dans le classement par institution on retrouve au premier plan les universités les plus prestigieuses des États-Unis. Dans l'ordre on a : Harvard, Stanford, Berkeley, Massachussetts Institut of Technology (MIT), California Institute of Technology (Caltech), Columbia, Princeton, Chicago, Oxford, Yale, Cornell, UC San Diego, UCLA, etc. Parmi ces établissements, huit appartiennent à la fameuse Ivy League qui regroupe les plus anciens et les plus prestigieux établissements d'enseignement supérieur  des Etats-Unis. Par exemple en ce qui concerne la renommée de Harvard, 43 anciens élèves et chercheurs ont obtenu un Prix Nobel.

 

Le Royaume-Uni place également deux de ces meilleurs universités dans le Top 20 avec Cambridge (2e) et Oxford (10e). Enfin c'est le Japon qui cette liste de 20 premières universités du monde avec l'Université de Tokyo (19e). 

Tableau 4. Extrait de l'ARWU-2006 par établissement

 

Rang

Institution

 Pays

1

Harvard University

États-Unis

2

University of Cambridge

Royaume-Uni

3

Stanford University

États-Unis

4

University of California - Berkeley

États-Unis

5

Massachussetts Institute of Technology (MIT)

États-Unis

6

California Institute of Technology (Caltech)

États-Unis

7

Columbia University

États-Unis

8

Princeton University

États-Unis

8ex

University of Chicago

États-Unis

10

University of Oxford

Royaume-Uni

11

Yale University

États-Unis

12

Cornell University

États-Unis

13

University of California - San Diego

États-Unis

14

University of California - Los Angeles (UCLA)

États-Unis

15

University of Pennsylvania

États-Unis

16

University of Wisconsin - Madison

États-Unis

17

University of Washington - Seattle

États-Unis

18

University of California - San Francisco

États-Unis

19

Tokyo University

Japon

20

John Hopkins University

États-Unis

21

University of Michigan - Ann Arbor

États-Unis

22

Kyoto University

Japon

23

Imperial College

Royaume-Uni

24

University of Toronto

Canada

25

University of Illiois - Urbana Champaign

États-Unis

---

---

---

252

University of Cape Town

Afrique du Sud

---

---

---

396

University Witwatersrand

Afrique du Sud

---

---

---

404

University of Cairo

Égypte

---

---

---

470

University of KwaZulu - Natal

Afrique du Sud

----

  

481

University of Pretoria

Afrique du Sud

---

---

---

499

West Virginia University

États-Unis

500

York University

États-Unis

Source : Source : Shangaï Jiao Tong University, Academic Ranking of World Universities - 2006, Shanghai, Institute of Higher Education.

Le bon classement des institutions de formation étasuniennes dans l'ARWU est le résultat de leur puissance financière. En effet, aux Etats-Unis, les sources de financement des universités sont multiples et très variées : gouvernement fédéral, Etats, instances locales, entreprises, anciens élèves, etc. Par ailleurs, les universités n'hésitent pas à placer en bourse les fonds qu'elles collectent. Ainsi pour prendre l'exemple de Harvard, en 2005, l'institution a affiché un retour d'investissements de 16,7 % sur son capital financier. En 2005, celui-ci était évalué à 23,2 milliards d'euros (15 250 milliards de FCFA), ce qui correspond environ au PIB de la même année de la Côte d'Ivoire, du Cameroun ou du Congo + Gabon + RCA + Rwanda + Burundi  réunis.

 

Pour l'Afrique, la faible représentation de ses universités dans l'ARWU ne surprend pas. En effet, la recherche n'a jamais été une priorité aussi bien pour les gouvernements que pour de nombreux enseignants. Les moyens alloués aux universités servent essentiellement à payer les salaires. Par ailleurs la pratique qui consiste, dans de nombreux pays, à privilégier le recrutement des enseignants sur une base ethnique, sur la base du népotisme et du clientélisme plutôt que sur celle de l'excellence a abouti au nivellement par le bas de la qualité de l'enseignement, à la constitution de corps professoral de qualité médiocre. Les universités se retrouvent ainsi avec des enseignants permanents parfois sans doctorat ou ayant terminé leur école doctorale par une thèse sanctionnée par une mention des plus mauvaises, incapables de se lancer dans le recherche et donc de  faire la moindre publication même dans des revues de faible réputation. De même l'instabilité politique et sociale et les grèves à répétition (des étudiants et du corps enseignant) qui se sont souvent terminées par des années blanches dans beaucoup de pays sont des facteurs qui ont contribué à la baisse du niveau de l'enseignement et à la faible réputation de l'université africaine. Des institutions jadis prestigieuses comme la faculté agronomique de Yangambi (RD Congo) ou l'Université de Makerere (Ouganda) ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. En conséquence, les diplômes sont bradés. Des générations entières d'étudiants sont sacrifiées ; ceux qui veulent s'expatrier pour poursuivre leurs études ailleurs ont de plus en plus de mal à être acceptés dans les universités étrangères (même africaines) qui tiennent à préserver le niveau de leur établissement.

 

________

Contribution de Michel MILANDOU,

Enseignant à la Faculté des Sciences économiques,

Université Marien NGOUABI,

Brazzaville, CONGO

 

Postée le 09 mai 2007.

Je viens de lire cet article. Je pense qu'il passe bien. Les remarques quant aux explications avancées ne manquent pas. Mais l'auteur va peut-être trop loin en mettant à peu près sur le même pied d'égalité de la responsabilité de la non productivité intellectuelle, les gouvernements et les enseignants. Bien que tout le monde ait sa part de responsabilité, c'est tout de même l'Etat qui est seul capable de financer une recherche, ainsi que de faire preuve d'un intérêt des résultats de la recherche. Je pense aussi que les critères de recrutement faussés depuis quelque peu dans certains pays ne sont malgré tout pas déterminants dans cet échec. Par ailleurs, tant que les Africains ne seront pas à même d'initier des thématiques propres, par exemple dans les sciences dites sociales, et qu'on sera tenté toujours de vouloir affirmer les thématiques des autres, on aura moins de chance de se positionner comme référence. De nombreux chercheurs africains travaillant dans des réseaux de recherche financés par les organismes des pays du Nord sont réduits au rang d'aide-chercheurs, de collecteurs de données.

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