Brazzaville

Une ville des migrations, pour une perspective de sociologie historique

Contexte : Pourquoi brazzaville, une ville des migrations ?

Brazzaville, tant de fois, capitale du Congo Français (1903) de l'Afrique EquatorialeFrançaise (en 1940) de la France Libre (1944) du Moyen Congo ? « Création de blancs, se peuple des noirs » au rythme des arrivées successives des colonisateurs, des missionnaires catholiques et des commerçants, des factoreries et autres sociétés concessionnaires avec des quartiers Africains, qui vont être le prolongement des résidences des colons.

 

Contraintes militaires, civilisatrices, économiques déterminantes

 

Dans la mesure où le rapport de forces ne permettait pas encore aux colonisateurs d'en imposer en instaurant par exemple le travail obligatoire, ils eurent recours à la main d'oeuvre étrangère avant de mettre en place les premières filières de recrutement dans les premières filières de recrutement dans les hinterlands du Pool.

  • Brazzaville au terminus des routes fluviales desservant le Haut Congo et l’Oubangui ;

  • Centre des grandes sociétés de commerces

  • Avec l'achèvement du chemin de Fer Congo-Océan, réalisation des grands travaux (aérodrome de Maya-maya, Barrage du Djoué, aménagement du port, extension de la ville (s'installent les Gabonais, les Camerounais, les Centrafricains (les Bandas), les Tchadiens (les Saras,)

Création des trois(3) quartiers définissant la ville Administration :

  • le quartier dit le Plateau.

  • La mission catholique.

  • Le quartier dit la plaine.

 

La création des Brazzavilles noires, l’Administration, le Village « Dakar » essentiellement peuplé de travailleurs Sénégalais.

 

La mission catholique. En contre bas du coteau de la mission catholique est établi le village de mariage dit village chrétien (doit son nom du fait qu'il est peuplé de noirs mariés chrétiennement, ceux-ci originaires du Haut Congo, appartenant aux groupes ethniques du Haut Congo que sont les groupes Yakoma, Ngwaka, Mbondjo, Kasaïs.

  • D'où les rue du village chrétiens, au quartier de la plaine, perpendiculaire à la rue du Sergent Malamine (qui passe à côté de la direction générale de la CRF (Caisse des Retraites des Fonctionnaires) et partage la résidence Marina et les immeubles fédéraux.

  • Les rues Yakomas, Ngwaka, Banziri, Mbondjo, Haoussas, Dahomey, Kassaïs.

  • De la concession des factoreries (Hollandaise, portugaise, Française, Grecque, etc...)

  • Le cimetière hollandais en est le vestige de cette migration

Les employés Mongos et leurs familles et des ouvriers auxiliaires autochtones venant de Léopoldville, les coastmen (Ghanéens, Dahoméens, Sierra Léonais, Togolais, etc) amenés par les factoreries et au service des sociétés concessionnaires quelques Loangos ou Vilis fixés au service des Européens.

Poussée des Brazzavilles Noires et l'exode rural 1900-1920 Poto-poto va naître de la poursuite de l'action de pénétration de la colonisation vers le "Haut" fleuve Congo et Oubangui (favorisé par la technologie comme l'écrit Olivier OUASSONGO : « de 1890 à 1921, les activités des bateaux de la mission furent essentielles dans l'avance de l'évangélisation sur le territoire du Congo ».

Poto-poto (des deux Brazzavilles noires) montre une accélération de l'émigration durant la première décade de ce siècle. Selon une étude des dates d'arrivée à Brazzaville faite sur les éléments âgés vivant à Poto-poto dans les années 1900.

  • Migrations vers Poto-poto et Bacongo des groupements qui fuient les répressions organisées par les fonctionnaires belges dans le territoire du Congo belge selon Jacques d'Uzès (Jacques d'Uzès au Congo 1892-1892).

  • Telle la rue Kiténgué (du vieux Kiténgué ancien chef de quartier n°l Bacongo) illustre cette époque belge.

  • Le village a commencé à s'agrandir entre 1900 et 1911 avec le lancement des activités économiques qui provoque un exode rural, puis plus tard l'urbanisation et l'élévation de Brazzaville au rang de capitale fédérale (1910), de capitale administrative 1930.

 

Poto-poto : deux évolutions décisives

 

1. La disparition du Village des travailleurs Loangos et du « Quartier Dakar», Village des Tirailleurs Sénégalais et autres travailleurs originaires de l'Afrique occidentale. Tous situés au Plateau (quartier actuel du Palais de Justice);

 

2. La disparition progressive du village chrétien

 

Le village chrétien situé naguère dans le secteur compris entre la piscine (ex caïman) (ravin de la mission), ex BNDC, les immeubles fédéraux, l'actuel CCA et la résidence Marina. Monseigneur Prosper Augouard y hébergeait les catéchumènes qu'il ramenait des missions du haut fleuve notamment les missions du Saint Paul du Kassaï.

 

Ainsi seront renforcées les communautés Loangos, Mongo, Batétélas (de l'ex Congo Belge) Bondjos, Ngwakas, Banziris, les originaires de Mossaka, regroupés au quartier Bonga aux cotés d'autres San salvadoriens, Cap verdiens, Angolais, Dahoméens, Sénégalais, Haoussas, Nigérians.

 

Bacongo

 

En 1889, d'après un document administratif, le poste a déjà rassemblé à son contact un village de 350 habitants, qui est à l'originaire de l'actuel centre de Bacongo regroupant les Batékés du village Mbama et les premiers éléments Bakongos, un village de «Liberté» constitué d'esclaves fugitifs, un village de Loangos (ou ba-vili) traitants de la route des caravanes qui ont commencé à se fixer. Ils constituent le premier noyau de main d'oeuvre employé à Brazzaville.

 

3. Le chemin de Fer Congo Océan et le salariat rfans les Brazzavilles noirs 1921-1956

 

a) La situation coloniale et la création d'un espace public nouveau : l'apparition des (Bar dancings)

 

Si l'on entend à la suite de Balandier par « situation coloniale » cette conjoncture particulière qui résulte en Afrique noire notamment des rapports de force entre la société coloniale et la société colonisée, les bars dancing nés des migrants peuvent être considérés comme l'un des effets sociaux de cette situation à l'intérieur d'un espace bien déterminé (la ville) produit directement de la colonisation.

 

Au coeur de l'Afrique centrale, les migrations de la période coloniale vont fixer deux villes : Brazzaville et Léopoldville.

 

b) 1930-1945 Apparition de l'espace public : le bar

 

Un facteur semble avoir joué le rôle essentiel dans la création des villes coloniales dont Brazzaville est un exemple typique : l'exode rural.

 

La migration, vecteur principal de l'accroissement démographique de deux capitales (Léopoldville et Brazzaville) a joué un rôle de premier plan dans la définition de la citoyenneté urbaine et l'établissement d'un nouveau type de socialité (bars, cinémas, stades). Selon, Samir Amin, Brazzaville ne devra son expansion qu'au rôle administratif conféré à celle-ci à défaut de rationalité économique, la force administrative allait donc faire du Congo le pays de transit des marchandises et à la centralisation administrative puisque Brazzaville sera le chef lieu fédéral des colonies de l'AEF. Ce centre qui ne compte en 1930, selon Samir Amin que 17000 habitants, enregistre entre 1930 et 1945 une augmentation spectaculaire atteignant en 1945, 43000 habitants.

 

Cette poussée soudaine est principalement due entre les deux guerres à partir de 1921 à la construction du CFCO (achevée en 1934) dont les travaux nécessitent la mobilisation d'une importante main d'oeuvre (les Bandas de l'Oubangui Chari, les Saras du Tchad, les Chinois (de la Cochinchine) qui amènent dans leur bagage le bambou et un autre arbre le teck (utile pour les traverses du chemin de fer).

 

c) L'apparition du salariat

 

L'amorce et le développement de ces processus économiques sont ainsi intiment liés à la dynamique du capital colonial et son déploiement au Congo.

 

L'apparition du salariat étant l'une sinon la plus importante des conséquences de ce processus économique. Le régime du travail salarié est en effet promulgué en AEF par décret le 4 mai 1922 afin de permettre aux employeurs privés ou publics de stabiliser la main d’œuvre locale.

La présence dans les centres urbains d'une population européenne agit dans ce contexte comme l'élément moteur de l'appel de main d'œuvre.

 

Le peuplement des centres urbains est ainsi la conséquence d'un exode dont le flux migratoire sera constant jusqu'à la deuxième guerre mondiale et s'accéléra à partir de 1950.

 

C'est dans ce contexte que les bars, nouveaux lieux de sociabilité semblent faire leur apparition autour des années 1934-1935.

 

Ils sont au départ la propriété d'étrangers s'adonnant à diverses activités commerciales ou auxiliaires de l'administration coloniale, regroupés dans une association d'originaires appelée « CAMDATO » vocable constitué par l'abréviation des nationalités de ceux qui en sont les initiateurs : Camerounais, Dahoméens, Togolais.

Les premiers bars signalés ont pour noms : «  Chez Mamadou », « Chez Vieux Baker », ou comme « Gaîté Brazza » appartiennent à des Ouest Africains. En réplique on va assister à la création du bar Congo Zoba et Chez Faignond par les congolais Le bar apparaît dans cette « situation coloniale » comme un lieu de retrouvailles collectives, un lieu de sociabilité ; susceptible de recréer une convivialité brisée par Patomisation sociale et l'individualisme sécrétés par le salariat, une sorte de nouveau « Mbongui » refaçonné par les néo-citadins.   Brazzaville et Léopoldville, selon Sylvain BEMBA dans les années 1920, sont d'intenses foyers d'acculturation servant parallèlement de centres de « refolklorisation ».

 

4. La loi cadre du 23 juin 1956

 

Le Congo dans la communauté ou la naissance de l'Etat en 1960.

 

La décennie qui va de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'à la loi cadre (1956) va constituer dans l'histoire) socio-économique et politique de l'Afrique une période charnière et plus spécifiquement à Brazzaville. Elle est notamment marquée par plusieurs mutations, essor de l'enseignement, croissance urbaine accélérée, éveil syndical et politique.

 

L'étude de la migration en ville africaine au lendemain de la seconde guerre mondiale doit être envisagée surtout en rapport avec les innovations culturelles qui avaient pour théâtre les capitales (Brazzaville et Kinshasa, villes miroirs).

 

Essor de l'enseignement, cause de flux migratoires

 

Brazzaville, ville souvenirs de la formation de l'élite d'Afrique équatoriale française avec le lycée Savorgnan de Brazza qui successivement a été à l'origine des cours secondaires de Brazzaville par l'arrêté n°28.EJ du 9 Mai 1951, seul établissement préparant à la seconde partie du baccalauréat (en AEF).

 

Le lycée Savorgnan de Brazza abritant aussi l'école des cadres de l'AEF ensuite le Centre de préparation aux carrières administratives (CPCA) en octobre 1955 Ecole Normale Fédérale rattachée au Lycée Savorgnan de Brazza le 1er décembre 1957, le lycée Savorgnan se présente comme un établissement fédéral dispensant un enseignement long et un enseignement court.

 

L'école des Arts et de l'Artisanat de l'AEF, l'Ecole Militaire Préparatoire Général Leclerc, le Collège Chaminade pour l'enseignement catholique.

 

Pour les cadres de l'Afrique Equatoriale, Brazzaville fut le symbole de l'espoir d'émancipation, la capitale fédérale incarnant dans l'imaginaire collectif des Aéfiens, le lieu de toutes les opportunités et de la promotion sociale.

 

A Brazzaville où les jeunes lettrés venaient pour forcer leur destin. Brazzaville, véritable mosaïque de population, va offrir à chaque population étrangère un espace de liberté, de resocialisation pour construire sa vie en fonction de ses goûts et de ses préoccupations.

 

Parmi les étrangers qui vont créer les nouveaux espaces de loisirs ou les Congo bars, des Ouest Africains exerçant le métier de « Kru boy » sous ce nom on désigne des manœuvres chargés d'alimenter en charbon les chaudières de navires prêts à reprendre le large, c'est auprès de ces kru boys que naissent les musiciens.

 

Georges Balandier note dans sa sociologie des Brazzavilles noires que de 1945 à 1950, et seulement à Poto-poto la plus ouverte des « Brazzavilles noires », le flux de l'immigration se situe chaque année entre 3000 et 5000 personnes touchant jusqu'alors principalement les hommes à la recherche d'un emploi. L'exode rural va progressivement drainer vers les villes une population féminine de plus en plus importante (la ndumba).

CONCLUSION

L'observation des processus migratoires vers le bassin du Stanley Pool, de ses implications sur l'évolution historique de Brazzaville et même de Kinshasa au cours d'un demi-siècle particulièrement riche en rupture, permet à présent d'effectuer un certain nombre de remarques.

La ville, comme lieu de migrations devient :

  • un laboratoire de l'innovation, des mutations et de l'inventivité.

  • un creuset des nouvelles sociabilités et des socialités avec la création des Bars-dancing, des orchestres et des stades et cinémas.

  • Brazzaville devient, Mboka-Bissengo, Mboka ba plaisir, lieu de refuge et une fabrique de la nouvelle Afrique pour le meilleur et pour le pire.

  • Mboka mundélé (la ville du blanc ou village du blanc) et de l'imaginaire culturel.