CesbcPresses

Indicateur éditeur  979-10-90372

Centre d'études stratégiques du bassin du Congo = ISSN  2493-5387

 

 

 

 

Émile Didier LOUFOUA-LEMAY

 Sociologue

Maitre de Conférences

École Nationale d'Administration et de Magistrature

Université Marien Ngouabi Brazzaville CONGO

Courriel : diplolouf@yahoo.fr

 

 

Dynamique paysanne et développement local au Congo :

regards croisés sur les activités de l'ONG la Convention

pour le Développement Communautaire (C.D.C.- Association)

 

   

Résumé

Cet article permet de comprendre la dynamique paysanne dans le processus du développement local au Congo. Dans cette étude, il s'agit d'analyser l'ensemble des initiatives prises par les paysans afin d'assurer le développement de leur village, d'une part, et comprendre la problématique de la décentralisation en vue d'apprécier l'importance du rôle joué par les collectivités locales, dans la dynamisation à la vie associative. Dans le cadre du développement local, l'ONG Convention pour le Développement Communautaire s'est constitué en association de développement à caractère socio-économique en vue de la satisfaction des besoins des populations.

Mots clés :

Développement local, Dynamique paysanne, Développement communautaire, Décentralisation, ONG de développement, Pool, Congo.

 


Abstract

This article enables to understand the peasant dynamics in the process of the of the local development in Congo. In this survey, we attempt to analyze ail the initiatives undertaken by the peasants so as to ensure the development of their location, on the one hand, and to understand the issue of decentralization in view of appreciating the importance of the role played by the local government in the revitalization life, on the other. In the framework of this local development, the NGO Convention for the Community Development came to be as a Socio-economic Association of development in order to participate in addressing the needs of the village populations.

Keywords

Local development, Community development, Peasant dynamics NGO of development, Decentralization, Pool, Congo.

 


 

Introduction

 

 De tous les concepts, nés de la réalité moderne, le concept du développement reste certainement, parmi les plus usités de notre pratique quotidienne et intellectuelle. Ce concept soulève plusieurs interprétations tant du monde rural que du monde urbain. Au Congo, le monde rural étant délaissé par les pouvoirs publics, les paysans sont obligés de prendre leurs propres initiatives pour assurer le développement de leur village : c'est la dynamique paysanne.

Il est par conséquent fondé de s'interroger de la manière suivante : Qu'est-ce que le développement local ? Qu'est-ce que la dynamique paysanne ? La dynamique paysanne contribue-t-elle au développement local ?

Réfléchir en termes de développement local implique une hypothèse simple : la qualité des relations qui lient les acteurs dans la proximité contribue à produire des marges de manœuvre nouvelles. Cela revient à penser que l'espace n'est pas soumis à des dynamiques uniquement exogènes, liées à la mondialisation dont on ne cesse de présenter les effets structurants, mais qu'il est mis en mouvement par les hommes et les femmes qui l'habitent et en sont les acteurs. Ce qui nous paraît important est qu'on découvre un slogan qui va devenir la pierre angulaire du développement local : « vivre, travailler et décider au pays ». Cette expression contient à elle seule les principes du développement, local puisque outre vivre et travailler qui sont les deux éléments forts du développement, elle appelle à l'autonomisation locale de la décision, qui implique la matière grise nécessaire et la mobilisation politique subséquente, et à la notion de « pays » qui devient, une entité plus à même de révéler les ressources et de mobiliser les acteurs. Cette idée du pays n'est pas originale en-elle-même puisque les géographes classiques ont revendiqué la pertinence d'une échelle intermédiaire entre la commune et le département. Le monde paysan a été une des dernières catégories sensibilisées à la nécessité de maîtriser le développement.

Cependant, le concept de développement est assimilé à l'idée de progrès, de croissance, d'évolution c'est-à-dire de transformation orientée vers un état qui apparaît comme plus naturel ou plus souhaitable. Selon P .Pradervand dans son ouvrage intitulé « Une Afrique en marche », « le bon développement, c'est avoir assez à manger, .être en bonne santé, avoir un intérieur accueillant, des habits décents et les femmes qui sourient ».

Le développement est une action volontariste qui vise à améliorer la situation d'un territoire et de ses habitants notamment par la valorisation des ressources et atouts du territoire.

Dans un monde de plus en plus globalisé, on peut se demander ce qu'il reste aux populations locales, désireuses d'avoir une entreprise sur leur destin.

Le développement local part du territoire, il n'a pas de limites sectorielles.

Ainsi, le développement peut se traduire par des actions très diverses selon la stratégie choisie.

-       valoriser les ressources locales : actions ciblées sur les services ;

-         augmenter le niveau de qualification locale : action de formation.

 La dynamique paysanne se définit comme étant l'ensemble des initiatives prises par les paysans afin d'assurer le développement de leur contrée. Nous nous sommes intéressés, dans le cadre cet article, plus spécifiquement à la problématique de la décentralisation en vue d'apprécier l'importance du rôle joué par les collectivités locales, dans la dynamisation de la vie associative.

Deux objectifs spécifiques ont orienté cette étude : le premier à consisté en prendre en compte le rôle de la société civile dans l'organisation et la mobilisation des populations dans le développement local ; le second à analyser le processus de décentralisation dans les zones rurales.

Du point de vue méthodologique, il est important de signaler que les données qui ont permis de réaliser cette étude proviennent aussi bien des sources documentaires et archives disponibles que des enquêtes de terrain. Nos investigations se sont déroulées plus précisément dans la communauté urbaine de Boko. Nous avons opté pour l'observation participante afin de mieux comprendre cette forme de participation spontanée au sein des associations de développement. Ensuite, nous avons réalisé 30 entretiens semi directifs auprès des responsables de l'ONG « Convention pour le Développement » Dans le processus de collecte des données, nous avons aussi privilégié les entretiens non directifs afin de laisser aux différents acteurs identifiés la possibilité de parler librement de leur participation et de leur expérience. Notons que 80 sociétaires de l'ONG ont été retenus, dont 32 hommes et 48 femmes. Enfin, nous avons retenu 10 conseillers locaux issus de différents partis politiques (UMP, MCDDI, UDR-MWINDA, CNR) et 05 responsables administratifs des ministères techniques. Dans le cas des entretiens directs avec les responsables communaux, après avoir pris contact, nous leur posions les questions dans l'ordre que nous avions préparé et attendions tout simplement les réponses de ceux-ci sans les commenter, sans les évaluer. Quant aux Administrateurs Maires de Kinkala et Boko, il leur était loisible d'intervenir l'ordre des questions. Nous les laissions déborder, pourvu de rester dans ce qui nous paraissait importante. C'est pour autant dire que la descente sur le terrain devient un préalable systématique pour la recherche. La nécessité de réfléchir sur tous les discours de la décentralisation a été intégrée à cette recherche comme une dimension supplémentaire.

I. Approche participative pour le développement

Tout développement exige la création d'un environnement stable et démocratique. Le terme développement n'est pas qu'une des formes de changement social et ne peut être appréhendé isolément.

Au cours des 40 dernières années par exemple, il s'avère que la terminologie de la politique africaine des États Unis est passée du développement durable à une « croissance entraînée par le marché » Ce changement de terminologie traduit la réalité dans l'après-guerre froide. Le concept « développement durable » qui impliquait en partie une utilisation plus active des organisations non gouvernementales (ONG) pour exécuter en sous-traitance des opérations d'aide du gouvernement américain en Afrique, semble désormais avoir régressé par rapport à une approche orienté vers le marché.

Nous voulons insister sur le fait que l'analyse des actions de développement et des réactions populaires à ces actions ne peut être disjointe de l'étude des dynamiques locales des processus endogènes ou des processus « informels » de changement. Pour cela, le développement peut être défini comme l'ensemble des processus sociaux induits par des opérations volontaristes de transformations d'un milieu social, entreprises par le biais d'institutions ou d'acteurs extérieurs à ce milieu mais cherchant à mobiliser ce milieu, et reposant sur une tentative de greffe de ressources et /ou techniques et/ou savoir.

En un sens, le développement n'est pas quelque chose dont il faudrait chercher la réalité chez les populations concernées, contrairement à l'acception usuelle. Tout au contraire, il y a du développement du seul fait qu'il y a des acteurs et des institutions qui se donnent le développement comme objet ou comme but et y consacrent du temps, de l'argent et de la compétence professionnelle.[J.P.O. Sardan (de),1995 ,p.7].

Le développement, en effet fait intervenir de multiples acteurs sociaux du côté de « groupes-cibles » et des institutions de développement. Dire, par exemple que l'État congolais est un État assisté, est une façon de dire que c'est un État rentier. Mais, et c'est une des facettes de la « crise de l'État en Afrique ».

Notons que la « rente du développement » transite donc pour beaucoup par des réseaux d'intermédiaires nationaux qui ne se confondent pas avec les appareils administratifs et politiques classiques. L'importance croissante des ONG comme opérateurs de développement en témoigne, de même que la place prise par le système des « projets », y compris dans les coopérations bilatérales et multilatérales. De ce fait les interlocuteurs locaux prennent de plus en plus d'importance. Quant au développement local, il peut être défini comme une approche des questions de développement qui privilégie les initiatives des acteurs de terrain, ceux-là

même qui sont quotidiennement confrontés aux problèmes et à la réalité des besoins des populations locales. L'approche novatrice de développement se base sur la participation des populations à toutes les phases de préparation, de mise en œuvre, du suivi et d'évaluation des activités retenues et programmées. C'est dire que la population est au centre du projet.

Il convient de rappeler qu'il y eu un débat théorique entre éminents spécialistes [P. Gremion, A. Touraine..] sur le développement local. Les économistes quant à eux ne semblent pas avoir perçu dans le développement local un champ d'expérience suffisamment important pour trier des analyses sur ce nouveau mode de création et de répartition de richesses [B. Mouret, 1997, p.235]. C'est finalement l'approche en termes de partenariat qui a fait émerger la problématique sociologique du développement local [B. Mouret, op.]. Cette notion importante de partenariat est au cœur même de l'intitulé de l'accord de Cotonou qui devient la clé de voûte de la coopération entre l'Union Européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes, et du Pacifïque (ACP). Chercher à définir le développement local implique de se pencher sur ses deux composantes : celle de développement d'une part, celle de local d'autre part, pour atteindre un développement durable.

Il est aujourd'hui admis que la participation des acteurs décentralisés est une condition pour atteindre un développement durable. Les mécanismes de la coopération décentralisée [D. Mokono ; 2002, p. 52] multiplient les possibilités de développer les capacités d'organisation et de gestion des organisations non gouvernementales décentralisées des pays sous-développés afin de leur permettre d'exécuter des programmes du développement en toute indépendance. Par contre, les collectivités de base peuvent participer pleinement en créant parmi ces acteurs un climat d'autonomie et de confiance en soi, pour faire face aux problèmes en toute indépendance. Cependant, le rôle de la société civile reste capital dans la participation au développement local. La vision de cette société civile réelle, ou tout au moins une fraction d'elle est limitée par quelques volontés collectives explicitement exprimées par des groupes sociaux et les individualités. [A. Niang ; 1999, p. 61] Cependant, avec l'accord de Cotonou, le rôle de la société civile n'est plus limité à la mise en œuvre de l'évaluation des stratégies et programmes de développement. Il est certain que le concept de société civile dépasse le cadre strict des ONG puisqu'il englobe également les organisations de défense des droits humains, les mouvements environnementaux, les organisations de base, les associations féminines, les confessions religieuses, les associations culturelles, les média. La société civile signifierait donc, la société des citoyens.

Le développement local part d'un principe simple : la mobilisation des potentialités locales (ressources naturelles, sociales, individuelles...) peut orienter les dynamiques socioéconomiques.

Nous pouvons dire que le développement local peut être considérer comme un processus qui impulse, construit et conforte les dynamiques locales et autorise une amélioration substantielle de vivre ensemble et du bien - être de tous.

Ainsi, le développement local dépasse l'idée de la croissance économique pour se placer dans la sphère d'un développement durable associant les dimensions économiques, sociales et culturelles, piliers de la durabilité du développement. La dynamique ainsi créée par la capacité des acteurs locaux à investir sur place en vue de valoriser les ressources, et l'augmentation des hommes et des activités qu'elle entraîne, conduisent à une complexification de l'organisation des activités et des rapports sociaux [J.P.Chassany]. Cette complexification comporte en elle-même des risques de germination de tendances entropiques contradictoires avec le développement local. [J.P.Chassany]

En d'autres termes, le développement local ne saurait s'épanouir sans un minimum de consensus entre les différents partenaires de l'espace socio-économique local, sans une mobilisation en vue d'objectifs précis et cohérents.

Une autre condition du développement local reposerait sur la conscience que les acteurs concernés peuvent avoir de former un groupe cohérent, les rendant unis pour des objectifs communs et surtout liés par l'appartenance de la même unité spatiale. La cohésion des hommes entre eux et des hommes avec les lieux seraient les supports actifs du développement local. Il va de soi que la dimension spatiale du développement local n'est pas prédéterminée par un découpage administratif quelconque. Il peut s'agir aussi bien d'un regroupement de districts dans le cadre d'une politique concertée pour le développement des communautés rurales. Tout dépend en fait de la nature du regroupement des hommes, de la capacité d'organisation dont ils font preuve et de la surface relationnelle des leaders. Faut-il espérer alors à l'identification des personnalités marquantes, capables de focaliser l'adhésion de ceux qui seront les acteurs principaux et les troupes du développement local, capables de faire naître de la collectivité un projet viable et cohérent et de se donner avec elle, et grâce à elle, les moyens de le réaliser. En bref, la définition d'une politique de développement local serait la forme achevée de la capacité à s'organiser pour atteindre les objectifs définis en commun ou collectivement acceptés. Ceci passerait par l'imagination de la « bonne » image à créer et/ou à mettre en valeur ; en d'autres termes par la recherche des moyens susceptibles de produire une nouvelle valorisation de l'espace porteuse du développement. Toutefois, la construction d'une telle image n'est pas aisée. Elle nécessite souvent la remise en cause de l'histoire, des traditions et parfois même de l'identité collective des groupes sociaux.

Aussi, les résistances sont-elles souvent nombreuses à sa définition et surtout quand les initiateurs d'une telle démarche sont des nouveaux venus dans l'espace local. Les plus grandes chances de succès paraissent être assurées quand l'initiative des nouvelles formes d'organisation et du changement d'image provient d'acteurs enracinés dans le local, en ayant une connaissance intime, et capables de convaincre de la nécessité des transformations dans le respect de l'identité des hommes et des lieux. [G.Pérec, 1974].

Au vu de cet état des lieux, on comprend comment le cœur du développement local est occupé par l'acteur. L'acteur est celui qui s'investit dans l'action qui « soutient les ruptures et organise le changement » pour reprendre les propos de Claude Neuschwander.

Au Congo, depuis l'avènement de la démocratie dans les années 90, on assiste à l'émergence des conditions favorables au développement d'une société civile qui veut s'organiser malgré les vicissitudes du paysage politique national. En effet, à la faveur du pluralisme démocratique, la paupérisation galopante des populations urbaines, ou rurales, la prolifération des associations et ONG de diverses natures ont inondé l'espace national en vue de répondre à des besoins spécifiques des populations.

Ainsi, le développement participatif donne à la société civile une place importante. La prise en charge du développement local par des instances locales, suppose pour celles-ci la disposition de compétence subséquente en la matière, afin le cas échéant, d'apporter un soutien aux initiatives des acteurs de développement [Ch. Nach Mbach ; op ; cit.]. Les organisations communautaires et autres groupes relevant de la société civile sont appelées à l'aide pour concevoir et mettre en œuvre des stratégies de réduction de la pauvreté. Le niveau local est le soubassement de tout le processus de participation. De même, une attention particulière et un soutien technique et financier sont nécessaires pour renforcer les capacités des municipalités, des populations et autres ONG à participer activement au développement économique et social des agglomérations urbaines ou rurales. Cette double exigence d'appui à l'action de l'État et aux acteurs non étatiques a conduit plusieurs organisations de coopération ou autres pour mettre en place des mécanismes financiers, au niveau local, pour soutenir les initiatives locales de développement en vue de la création d'entreprises, de l'insertion professionnelle des jeunes et la création des infrastructures communautaires

Au Congo, nous tenons à signaler que dans les années 80, certains départementaux territoriaux vont se tourner vers une approche en termes de développement local. C'est au sein de ces entités notamment en milieu villageois, qu'on redécouvre les valeurs identitaires collectives et les solidarités propres à engendrer une nouvelle approche démocratique du développement.

II. Gestion participative du projet dans le département du Pool

 Toutefois, faut-il signaler que la République du Congo est divisée en 12 départements administratifs. Chaque département est administré par un Préfet nommé par le gouvernement. Les départements sont subdivisés en districts, gérés administrativement par un sous-préfet. La loi de la décentralisation adoptée au début de la décennie 1990 prévoit que les préfets et sous -préfets organisent l'administration territoriale selon les principes de la déconcentration et de la décentralisation. Ainsi, apparaît dans la constitution du 20 janvier 2002 que :

-          les collectivités locales sont : les départements et la commune ;

-          les autres collectivités locales sont créées par la loi.

 Cette organisation administrative territoriale est structurée selon les principes de la déconcentration et de la décentralisation. Elle vise :

-          le déploiement et harmonieux de l'administration sur l'ensemble du territoire ;

-          la mise en place d'une administration de proximité ;

-          la création des conditions d'émergence d'une administration orientée vers le développement ;

-          la promotion de la démocratie locale ;

-          la réalisation de l'unité nationale.

 Cette loi est une réforme institutionnelle majeure qui érige les départements et les communes à la fois comme circonscriptions administratives et collectivités locales. En d'autres termes, la décentralisation, en tirant des leçons du passé, s'amorce uniquement au niveau du département et de la commune. Le département du Pool compte 12 districts et une population de 236.595 habitants soit 115.026 hommes et 121.569 femmes.et entre l'État et la coopération au développement d'autre part. Trois conditions doivent ainsi réunies pour réaliser la décentralisation [Beaulieu, 2002] :

-          un transfert de compétences doit être opéré d'une personne publique de rang supérieur (État) à des

     collectivités locales de rang inférieur (communes, départements) ;

-          une loi doit la réaliser ;

-          des autorités décentralisées doivent être gérées par des assemblées locales élues.

 

Le terme de décentralisation évoque alors l'idée d'une collectivité locale qui, englobée dans une autre plus vaste, s'administre elle-même, gère elle-même ses propres affaires. « Structurer un département, une commune, une université en organismes décentralisés, c 'est les organiser de manière qu'ils s'administrent par eux-mêmes tout en restant liés à l'État » [Dupuis, 2010 :35].

La notion de décentralisation, dont il est aujourd'hui largement question en Afrique, conduit à une redéfinition entre l'État- à travers la notion de collectivités locales décentralisées- et ses populations d'une part, et faut-il noter que les autorités soient des autorités locales, c'est-à-dire des représentants de la localité et non des représentants du pouvoir central dans la localité ou du moins qu'elles soient habilitées à agir au nom de la collectivité.

La décentralisation doit donc prendre en considération la nature des initiatives et des demandes de développement économique et social des populations. Elle doit mettre en place des institutions qui permettent de redéfinir un « nouveau pacte » entre ces populations et l'État, comme base de reconstruction du politique dans le respect de la trajectoire des différents départements. La « décentralisation donne un cadre juridique intéressant à des dynamiques déjà présentes sur le terrain » note François Clément. Une nouvelle génération d'élus locaux s'est progressivement constituée. Mieux formés, ils sont souvent plus efficaces, savent mieux négocier avec les administrations de l'État. Même s'il y a ici ou là des expériences « exemplaires », la participation des citoyens reste généralement faible. Les élus préfèrent souvent consulter les représentants des socioprofessionnels plutôt que les acteurs de terrain eux-mêmes. Et pourtant, insiste François Clément, « la démocratie participative permet à tous les acteurs de mettre sur la table, des idées, des dossiers et ainsi de mieux maîtriser le développement ».

Une autre tendance lourde du développement local, c'est multiplier les partenariats. Les communes se sont ainsi rapprochées pour mener des actions ensemble sur des dossiers techniques- le ramassage des ordures ménagères- mais aussi sur des projets plus ambitieux : des espaces sportifs et culturels, l'animation locale...

La reconnaissance de l'identité et des demandes du monde paysan supposent la prise en considération de stratégies qui peuvent conforter les initiatives paysannes. Faut-il signaler que le rapport intitulé « Le département du Pool en République du Congo : Population abandonnée » publié en 2004 avait résumé le niveau de déstructuration sociale dans ce dit département suite aux différents conflits armés :

-            Déplacement des populations : En moyenne, un habitant sur cinq vit encore loin du village en raison de l'insécurité, de l'accès réduit aux services de santé ou du manque d'écoles ;

-            Mortalité infantile : Un quart des ménages ont rapporté le décès d'un ou plusieurs enfants en raison de la dureté des conditions de vie pendant le conflit ;

-            Logement : Le niveau de destruction des maisons privées est très élevé : 46% des familles interrogées vivent dans des maisons partiellement ou totalement détruites suite au conflit de 2002-2003. En dépit de la réinstallation d'un certain nombre de déplacés depuis les accords de paix, les personnes habitant le Département du Pool n'ont toujours pas les moyens de reconstruire ou de réhabiliter leurs maisons ;

-            Agriculture : Bien que l'agriculture soit l'activité principale dans le Pool, un tiers des ménages n'a pas eu de récolte depuis 2002. Les stocks de semences sont dramatiquement bas.

-            Éducation : Deux tiers des écoles ont un seul ou pas du tout d'enseignants qualifiés. Les écoles manquent d'équipement et de matériels pédagogiques .Seul un élève sur quinze à l'école primaire et un sur dix-huit à l'école secondaire ont un manuel scolaire ont un manuel scolaire ;

-            Soins de santé : Un tiers des structures sanitaires sont fermées depuis le conflit de 1998-1999 et depuis celle de 2002-2003. Les ONG internationales jouent un grand un rôle dans le maintien des rares centres de santé restés ouverts.

De telles conditions d'existence sociale ne peuvent qu'avoir des conséquences néfastes sur la vie des populations du Pool. C'est dans le cadre du développement local, l'ONG appelée la Convention pour le Développement Communautaire « CDC-Association » s'est constitué en association de développement à caractère socio-économique en vue de la satisfaction des besoins des populations. Cette association existe depuis le 05 juin 2005 et regroupe hommes et femmes de toutes catégories socio professionnelles confondues. Les promoteurs de l'Association ont estimé que le bien-être social, le progrès social et humains ont demeuré une fiction pour beaucoup de citoyens du département. Aussi décidèrent-ils de se regrouper, se mobiliser, sans distinction d'appartenance ethnique, de sexe, de croyance philosophique et religieuse, afin de mettre à contribution leurs expériences diversifiées, leurs ressources physiques, matérielles, financières et spirituelles. Des personnalités ou des groupes dans une société locale doivent avoir la volonté de modifier la situation, de changer les choses, cela suppose d'avoir conscience d'un problème, d'un manque. Le point de départ de cette réflexion est bien souvent provoquée par une rupture dans l'ordre habituel, cela peut-être une filière agricole sinistrée, ou des initiatives piscicoles ou halieutiques qui ont de la peine à s'affirmer...

Cependant,-la prise de conscience- ne suffit pas. Il faut que des porteurs d'initiatives, des innovateurs émergents. Ensemble, ils vont devoir définir des enjeux, des ambitions pour le territoire sur lequel ils vivent. Ces individus ou personnalités doivent rassembler d'autres habitants de la contrée car, le développement local suppose qu'un maximum de personnes, de groupes sociaux se mettent en ensemble pour mettre en œuvre leur patrimoine commun. Toutefois, faut-il relever que toute proposition d'innovation, toute diffusion d'innovation, transite par des porteurs sociaux, qui occupent une place dans une structure sociale locale. [J. P. Sardan, 1995 :86]. Ces porteurs sociaux varient d'une société à une autre, d'une époque à une autre. Ils ont plus ou moins de « crédibilité sociale », ou même de « crédit social ». Ils sont le produit d'histoires locales, et fonctionnent à l'intérieur de réseaux. La mobilisation ou la captation de ressources extérieures par ces porteurs sociaux, au profit de groupes ou collectivités au nom desquels ils entendent agir et pour lesquels ils se positionnent comme mandataires.

L'innovation agro-pastorale, à laquelle nous nous sommes référé, explicitement oui implicitement, dans un souci de simplification et de rigueur, ne peut être aussi aisément isolée méthodologiquement qu'il y paraît. [J.P. Sardan, Op ; cit.] Tout d'abord, une innovation technique, en particulier lorsqu'elle proposée sous les formes volontariste propres au monde du développement, va souvent de pair avec une innovation organisationnelle dans laquelle on pourrait considérer qu'elle est « enchâssée » [J.P.Sardan, Op.cit.]. On sait à quel point les transformations dans les techniques de production agricole sont indissociables de transformations dans les formes de travail, de gestion ou de commercialisation.

Comme enjeux de la décentralisation, le développement local est entendu comme une nouvelle approche des questions de développement qui privilégie les initiatives des acteurs de terrains, ceux-là mêmes qui sont quotidiennement confrontés aux problèmes et à la réalité des besoins des populations locales [J. Blanc, B .Rémond, 1994]

Ainsi, la Convention s'est dotée d'instruments juridiques tels que les statuts et le règlement intérieur. Elle s'est fixée pour objectif principal, d'œuvrer pour le développement communautaire, le progrès social et le bien -être humain.

Entre autres objectifs spécifiques :

-            de mobiliser et  organiser  les  populations  en  général,  ses  membres  en particulier autour d'activités axées sur l'amélioration de la qualité de la vie aux plans alimentaire, sanitaire et matériel, sur le bien-être social ;

-            de participer au développement du pays en général au développement   local en particulier par l'appui à la création et la promotion d'unités de production économique, solidaire et participative ; génératrices de ressources de tous ordres, utiles à la communauté ;

-            d'œuvrer à la promotion d'actions relatives à la santé physique et psychique des membres et des populations ;

-            de mener diverses actions de nature associative et communautaire, seule ou en jumelage avec d'autres Organisations non gouvernementales (ONG), institutions nationales, internationales ou étrangères poursuivant des buts similaires.

III. Activités menées

II est vrai cependant que certains projets entrepris par l'ONG de développement apportent des réponses provisoires à des problèmes fondamentaux de la vie quotidienne des populations dans des contextes de totale pénurie de solutions alternatives. Il s'agit simplement de rechercher des palliatifs pour rendre la vie des populations moins pénible qu'en l'absence de toute intervention.

Sur le plan de l'appui à l'éducation et à la formation

En 2007, la Convention a consenti un appui en matériel aux activités du Centre d'apprentissage aux petits métiers appelés « Mayala Ngoko » (achat de fours pour fabrication des gâteaux, ustensiles...). Ce centre encadre des jeunes filles désœuvrées dans l'apprentissage de la pâtisserie, la fabrication du manioc. Dans la même année, elle a apporté un appui matériel et financier au fonctionnement du préscolaire de Kimpouomo. (Quartier suburbain de Brazzaville).

En 2007, la Convention a offert un appui financier à la réhabilitation de l'école primaire de Mbounda 1 dans le district de Boko.

Sur le plan de l'appui aux actions de développement

L'Association a entrepris certaines actions pratiques sur le terrain. Il s'est agi en premier lieu de la remise d'un équipement agricole au groupement « NKOMA », de BOKO village, la signature avec ledit groupement d'un protocole d'accord de partenariat sur l'écoulement et la vente de la production des produits maraîchers vers les grands centres de consommation.

En seconde position, la Convention a apporté un appui financier et en produits phytosanitaires à une ferme porcine expérimentale installée à KOMBE, dans la périphérie de Brazzaville.

Enfin, en 2009, l'Association s'est distinguée dans l'organisation d'une campagne de distribution de semences agricoles améliorées aux groupements de maraîchage et/ou aux grands producteurs maraîchers de Boko et des villages environnants.

L'Association aide de temps en temps les populations à se donner une organisation adéquate pour participer à l'exécution et à la gestion, en se faisant le support de structures décentralisées et intégrées au niveau local pour l'octroi de crédit, la mobilisation de l'épargne, l'achat d'équipement et d'intrants, et la commercialisation des produits.

À l'occasion de la première campagne de distribution des semences dans le district de BOKO, la cellule de coordination en relation avec le chef de secteur agricole de ladite localité ont procédé à :

-          l'identification des ménages bénéficiaires ;

-          la distribution des semences ;

-          et au suivi des activités.

Sur le plan de la distribution, il s'est agi de : 

-          260 ménages bénéficiaires et suivis ;

-          650 grammes de semences de tomates ;

-          1300 grammes de semences de choux ;

-          1300 grammes de semences de poivrons, à raison de 5 par ménage ;

-          1300 grammes de semences d'oignons.

 Il peut également être signalé, l'accord de signature de protocole d'accord en 2010 d'une convention de cofinancement pour l'appui du projet de production avicole du groupement « CDC » dans la localité de BOKO, dans le cadre du Projet de Développement et de Réhabilitation des Pistes Rurales (PDRPR). Ces bénéficiaires supposés ont été des ménages. S'agissant de la production obtenue, chaque ménage a vendu en moyenne 70% de celle-ci, le reste soit 30% ayant été consommé.

Les recettes encaissées de la vente de la dite production a permis à chaque producteur de faire face à certaines obligations familiales telles que la prise en charge des droits scolaires des enfants scolarisés, des frais de santé et de nutrition, des frais de transport.

Une bonne partie des dites recettes ont été réinvesties dans l'activité par l'achat des semences, d'outils oratoires, de pesticides et du fumier de ferme.

La campagne de distribution des semences agricoles s'est étendue dans d'autres localités du district de Boko. À ce sujet, deux autres ont été effectuées, élevant le nombre de campagnes à trois.

Cette vaste campagne a permis d'atteindre des résultats illustrant la capacité des acteurs de développement à accroître leur niveau de production. Il reste de rendre pérenne l'octroi du développement communautaire partout où elle a été engagée.

Voilà pourquoi la Convention pour le Développement Communautaire-Association s'est orientée dans la formation des formateurs en gestion et management dans les unités de production agricoles, en vue de parfaire des compétences.

La mise en œuvre de ce projet permettra aux bénéficiaires de s'initier à la démarche des projets communautaires, de renforcer leurs compétences techniques et comptables et aussi de s'investir pleinement dans le processus du développement local. Ces acteurs vont ainsi acquérir des connaissances dans le cadre de la gestion de leur patrimoine en utilisant des stratégies du développement communautaire.

La Convention pour le Développement Communautaire- Association, plaçant l'homme comme clé de voûte de ses préoccupations, voudrait lui assurer des capacités d'expression dans un environnement de production de plus en plus compétitif. D'où la nécessité de le former pour le rendre capable d'affronter les contingences environnementales.

Sur le plan d'appui à la santé des populations.

À l'occasion de la cérémonie commémorative de l'an 5 d'existence de l'Association, elle s'est fait le devoir de remettre gracieusement les tables d'accouchement au Centre d'Intégré de Santé de Boko et au Centre d'Intégré de Voka en vue de réduire les difficultés de ces populations en manque d'installations médicales. Le nombre grandissant des personnes handicapées, des veuves et enfants abandonnés a fait que le département du Pool demeure l'un des plus démunis après les affres de guerre de 1992 et 1998-2000. Les associations de ressortissants regroupant des cadres (fonctionnaires, universitaires, commerçants) issus d'un même département, d'un même village se sont multiplier au Congo ces dernières années, et impulsent des projets de développement de plus en plus nombreux, en s'appuyant sur leurs compétences professionnelles, comme sur leurs relations sociales ou politiques acquises en ville ou à l'extérieur. Par là ils gardent ou retrouvent non seulement un lien avec leur origine sociale, mais aussi ils prennent pied dans l'arène politique locale.

Conclusion

Au terme de cette étude, nous admettons que le développement local peut être considéré comme une démarche de création institutionnelle, mais il devient en même temps un mode de développement social, en alliant développement économique, système d'acteurs et de sociabilités.

La richesse de toute organisation est avant tout humaine, du fait d'une volonté commune de rassemblement, d'organisation et du travail en réseaux. F. Clément s'interroge sur le développement local en Afrique. Pour lui, « la mise en place d'une décentralisation purement juridique et administrative ne produira jamais du développement local ». Il est nécessaire de constituer aussi une organisation ascendante de la société civile qui parte de la base. Les élus doivent bénéficier de formations allant dans le sens de l'ouverture aux autres acteurs. Ensuite, le développement local suppose une identité forte avec un territoire. Ce point de vue peut être problématique en Afrique en raison de l'importance historique des déplacements de population. Enfin, l'engagement nécessaire des acteurs suppose de ne pas évoluer dans des systèmes coercitifs ou mafieux. Sinon, il est difficile de construire une culture partenariale associative qui est un des piliers du développement local.

Références bibliographiques

 

AROCENA J., (1987)

Le développement local, Paris, L'Harmattan. BEAULIEU F., (2002) La décentralisation, Paris, Dalloz.

BLANC J. REMOND B. (1994)

Les collectivités locales, Presses de Sciences Pô et Dalloz, Paris

CHASSANY J.P., (1999)

Emergence et adaptation de formes de développement local : analyse de quelques expériences observées, in CIHEAM- Cahiers Options Méditerranéennes, Vol.3

CLEMENT F., (2013)

Décentralisation et développement local, Colloque sur le développement social local, Centre d'Etudes de l'Emploi, Paris.

DUPU1S J.S., (2010)

La décentralisation, les finances locales dans l'expectative, Revue Française des Sciences Politiques, 13,63-77.

GREMION P., (1976)

Le pouvoir périphérique : bureaucrates et notables dans le système politique français, Seuil.

HELGASSON K., (1998)

De nouvelles voix, de nouveaux partenaires La recherche d'une meilleure gouvernance, Coopération Sud, n° 1, New-York.