Socialisation des formes institutionnelles

de la construction du soi à La Martinique

Evry, CesbcPresses, 136 pages, Février 2018

ISBN : 979-10-90372-35-1

 


 

 

INTRODUCTION

 

 

Le processus de construction de l’identité sociale et professionnelle du salarié est lié à la qualité de son intégration au sein de l’entreprise. La qualité de l’intégration est l’une des conditions essentielles, à côté de l’orientation de sa vie sociale et des projets professionnels, qui agissent puissamment sur les représentations mentales du technicien en recherche de pannes. Une intégration vécue de façon satisfaisante par le salarié facilite son ouverture vers le monde, contribue également à l’enrichissement de ses perspectives professionnelles, lui donne une image positive de soi. L’intégration professionnelle synonyme d’ouverture au monde dépend de la reconnaissance faite au salarié qui a besoin de la formation professionnelle continue certifiante pour s’exprimer professionnellement et socialement.

L’intérêt pour la formation continue certifiante des salariés est en rapport avec le champ de pratique dans lequel la diplomation est l’objectif principal à atteindre pour les apprentis afin de couronner l’acquisition des savoirs et des savoir-faire. On s’est souvent interrogé concernant la formation professionnelle continue (FPC) au sein de l’entreprise à la Martinique en lien avec les objectifs de la loi du 16 juillet 1971 (instaurant la FPC), et, particulièrement avec la situation sociale et économique de cette région française monodépartementale.

Il est important de rappeler les quatre objectifs de la loi de juillet 1971, car elle devrait permettre au salarié de bénéficier des conditions et des moyens pour mieux s’intégrer et se construire :

-            lutter contre l’inégalité des chances : il s’agissait avant tout de revaloriser l’enseignement technique qui ne devait pas être le parent pauvre et qui constituait une véritable seconde chance pour ceux qui échouaient dans le système d’enseignement général ;

-            maîtriser le métier et les changements que la vie moderne impose. Au-delà de la revalorisation des diplômes de l’enseignement technique, il s’agissait de donner toute sa dimension à l’éducation permanente, à l’accès à la culture et accéder à la nouvelle société :

-            permettre à l’expansion économique de disposer des hommes qui lui sont nécessaires. Pour cela, il convenait de développer les formations initiales et de combler le déficit de main-d’œuvre qualifiée ;

-            donner toute sa valeur à la politique contractuelle et à la concertation permanente, ceci à tous les échelons : entreprises, départements, régions, État. Le contrat et la convention de formation étaient les principaux moyens de la politique de formation professionnelle.

 

Au regard de ces objectifs, la loi du 16 juillet 1971 constituait un droit nouveau, celui de se former sur le temps de travail, de progresser socialement et professionnellement, notamment par une implication des entreprises dans la formation continue à travers l’obligation de consacrer 0,8 % de leur masse salariale au plan de formation.

Actuellement (2018), ce pourcentage est relatif à la taille de l’organisation. En effet, l’entreprise cotisera davantage en fonction du nombre de salariés :

-          0,55 pour les entreprises de moins de 10 salariés ;

-          1,05 pour les entreprises de 10 à moins de 20 salariés ;

-          1,60 pour les entreprises de 20 salariés et plus.

Cette contribution de l’entreprise au financement de la formation professionnelle est collectée et gérée par l’OPCA (Organisme Paritaire Collecteur Agrée) de la branche d’activité de l’entreprise pour les actions de formation et de professionnalisation, et, par le FONGECIF (Fonds de Gestion des Congés Individuels de Formation) qui permet à tout salarié de pouvoir bénéficier de l’accompagnement financier (la prise en charge de la formation et le versement des salaires) pour une formation de son choix qui n’est pas nécessairement en lien avec son occupation professionnelle.

 

La loi du 4 mai 2004 apporte des modifications dans la définition de la « formation professionnelle continue » en lui assignant les objectifs suivants : « favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, permettre leur maintien dans l’emploi, favoriser le développement de leur compétence et l’accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, contribuer au développement économique et culturel et à leur promotion sociale ».

De ce fait, le législateur distingue les bénéficiaires de la formation professionnelle continue par leur situation vis-à-vis de l’emploi. Selon qu’ils soient titulaires d’un contrat de travail ou demandeur d’emploi, le financement des formations est assuré par des instances différentes.

La formation professionnelle continue, en France Métropolitaine, bénéficie davantage aux salariés les plus qualifiés ayant déjà une bonne formation initiale et des diplômes élevés. Mais, elle a profité d’abord à ceux qui sont bien insérés dans des entreprises de taille importante (DUBAR, 1996, pp. 62-65). Cette inégalité des chances d’accès à la formation professionnelle continue selon la place dans le système productif donne une toute autre image en parlant de la Martinique, car les entreprises sont plus petites par leur taille. Les cadres sont moins nombreux et les autres catégories professionnelles (ouvrier, employé, agent de maîtrise-technicien) sont mieux représentées en pourcentage concernant la répartition des bénéficiaires de la formation professionnelle. Néanmoins, le pourcentage de salariés partis en formation relevant de la catégorie « cadre » est supérieur au pourcentage de la population active occupée par ce statut selon l’Observatoire Régional de l’Emploi et de la Formation OREF). Si la position occupée dans le champ de l’activité économique et de l’emploi joue un rôle essentiel comme le précise (DUBAR, 1996, p. 66) dans l’accès à la formation continue, la trajectoire sociale et culturelle incluant le passé familial et scolaire, la carrière professionnelle et sociale et les horizons culturels paraît également décisive dans les mécanismes d’accès à la formation.

L’inégalité des chances d’accès à la formation professionnelle continue certifiante à la Martinique prend sur le fond l’aspect d’un empêchement. C’est le constat qui se dégage de la présente étude qui s’intéresse au cas des techniciens en recherche de pannes du concessionnaire OPEL-Le Lamentin-Martinique. Elle marque l’incertitude dans la construction identitaire. L’empêchement objectif, opposé au désir de ces salariés de bénéficier de la formation continue certifiante traduit une frustration qui affecte (tension psychologique) ces salariés, altérant la gestion mentale des activités qui est une construction de sens des représentations finalisées (à partir des propres activités actuelles) et des représentations finalisantes (détermination d’objectifs, construction de projets à partir des activités souhaitables).

La présente étude est structurée de la manière suivante :

-            le chapitre 1 présente l’intérêt pour ce travail de recherche. Il introduit la contextualisation du problème scientifiquement, économiquement et socialement ;

-            le chapitre 2, introduit le cadre théorique choisi, développant les notions de « construction identitaire », de « représentation sociale » et l’ « approche narrative » ;

-            le chapitre 3 présente les choix méthodologiques et la manière dont la recherche a été construite ;

-            le chapitre 4 donne les résultats et les analyses ;

-            le chapitre 5 propose de discuter de ces résultats et de les examiner à la lumière des hypothèses et du cadre théorique de la recherche ;

-            le chapitre 6 annonce une autre voie qui pourrait enrichir les perspectives de liaison entre « construction identitaire » et « représentation sociale ».

 

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