Centre d'études stratégiques du bassin du Congo (Cesbc)

Centre d'études stratégiques du bassin du Congo = ISSN  2493-5387

 

 

 

 

Migrations internationales et trafic des femmes

Par

Sidonie MATOKOT-MIANZENZA

Psychologue,

Coordinatrice de Charité Maternelle Paris 14e

Centre d’études stratégiques du bassin du Congo

Auteur de :

Viol des femmes dans les conflits armés et thérapies familiales. Cas du Congo-Brazzaville,

Paris, L'Harmattan, 2003.


 

Deuxième Partie

Les instruments internationaux

de lutte contre la traite des êtres humains dont le trafic des femmes

 

 

Historiquement, la lutte contre la traite des êtres humains a commencé par la lutte contre la traite des femmes. Par la suite cet arsenal a évolué avec les différentes conventions internationales adoptées pour lutter contre le développement du crime organisé à l’échelle mondiale.

Le premier instrument international de répression de la traite des êtres humains, est l’Arrangement international pour la répression de la traite des Blanches, ratifié le 18 mai 1904 à Paris. Celui-ci a été amendé par le Protocole approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 3 décembre 1948. Ensuite ont suivi la Convention internationale du 4 mai 1910 relative à la répression de la traite des blanches, amendée par le Protocole susmentionné ;  la Convention internationale du 30 septembre 1921 pour la répression de la traite des femmes et des enfants, amendée par le Protocole approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 octobre 1947 ; la Convention internationale du 11 octobre 1933 pour la répression de la traite des femmes majeures, amendée par le Protocole susmentionné. En 1937, la Société des Nations avait élaboré un projet de convention étendant le champ des instruments susmentionnés qui a permis de conclure une convention qui a unifié les instruments ci-dessus mentionnés et en renfermant l’essentiel du projet de convention de 1937 avec les amendements que l’on a jugé bon d’y apporter. Dans sa résolution 317 (IV) du 2 décembre 1949, l’Assemblée générale approuvait la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. Ce texte qui reprenait l’essentiel des dispositions des instruments précédents est entré en vigueur le 25 juillet 1951, conformément aux dispositions de l’article 24. Quant à son étendue,  la dernière convention ne visait que la traite des personnes pour fins de prostitution.

Mais à la faveur de la mondialisation et de l’évolution fulgurante de nouvelles technologies de l’information et de la communication, la criminalité sans frontières s’est développée en se diversifiant : exemples de la pornographie, de la pédophilie, du tourisme sexuel, de l’immigration clandestine, des mariages forcés, des mariages par correspondance, de l’esclave domestique (employé de maison), de la coercition,  etc. Cette évolution a mis à nu l’inadaptation de la Convention de 1949 face aux nouvelles criminalités. Par ailleurs on a reproché au texte d’ignorer par exemple la traite à l’intérieur des frontières, etc.

Le 6 octobre 2000, le Comité Spécial des Nations Unies chargé de l’élaboration du protocole additionnel à la Convention contre la criminalité organisée, relatif à la traite des personnes propose la première définition institutionnelle internationale de la traite. Cette définition renvoie à un contexte de lutte internationale contre les différentes activités du crime organisé. Aux termes de l’article 3 du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants :

  • la traite des personnes désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ;

  • le consentement d’une victime de la traite des personnes à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’aliéna a) du présent article, est indifférent lorsque l’un des moyens énoncés [dans la définition] a été utilisé ;

  • le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation sont considérés comme une traite des personnes même s’ils ne font appel à aucun des moyens énoncés à l’alinéa a) du présent article ;

  • le terme enfant désigne toute personne âgée de moins de 18 ans.

La définition de la traite avancée par les Nations Unies ne se limite plus à la prostitution. Elle concerne toutes les formes d’exploitation. Ce traité, communément appelé Protocole de Palerme définit la traite des êtres humains comme la combinaison de trois éléments : une action (le recrutement ou le transport), un moyen (la contrainte, les menaces, la violence, la tromperie ou la fraude) et une fin (l’exploitation d’autrui, que ce soit dans la prostitution, dans le travail domestique, en vue du travail forcé ou du trafic d’organes).

Ce protocole adopté dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et du contrôle des migrations accordent peu de place aux victimes. Les articles concernant la protection des personnes victimes y sont très limités. Il a fallu attendre 2005, avec l’adoption par le Conseil de l’Europe de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains dite Convention de Varsovie du 16 mai 2005 pour voir apparaître une définition de victime et davantage de dispositions visant à protéger et garantir les droits fondamentaux des personnes victimes de traite.

Aux termes de la Convention de Varsovie, on entend par traite des êtres humains : « Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes. Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation sont considérés comme une « traite des êtres humains » même s’ils ne font appel à aucun des moyens énoncés à l’alinéa précédent. »

La Convention de Varsovie du 16 mai 2005 présente donc de nombreuses avancées par rapport à la Convention de Palerme. Elle a eu l’ambition d’inclure toutes les formes de traite des êtres humains. Dans le Protocole de Palerme, la traite est nécessairement liée à la criminalité organisée et elle doit inclure un franchissement de frontière. Dans la Convention de Varsovie, ces deux conditions sont levées, la traite pouvant être « interne » et le fait d’un individu agissant seul comme dans le cas de mariage par correspondance et/ou après une rencontre sur le web. Autre différence importante : la Convention du Conseil de l’Europe liste de façon non exhaustive les différentes formes d’exploitation et cite explicitement le travail domestique (article 2). Enfin, la Convention du Conseil de l’Europe introduit la définition de « victime ». Celle-ci n’est pas celle qui coopère, qui porte plainte ou qui témoigne devant les autorités judiciaires ; est victime toute personne qui a subi les trois éléments cités ci-dessus.

Ces instruments internationaux et supranationaux ont été progressivement transposés dans les législations nationales dans les pays du Nord pour lutter plus efficacement contre le trafic des êtres humains.

 

Troisième Partie

De la nécessité de mettre à niveau les textes africains

 
 
  

 

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