Ounimé Fred Jonas MATOKOT

Centre d'études stratégiques du bassin du Congo,

Centre de Documentation Juridique de Brazzaville

Faculté de Droit, Université Marien NGOUABI,

Brazzaville, République du Congo

La fidélité dans l'engagement polygamique : quelle fidélité ?

En mettant en place de nouvelles dispositions, régissant l'ensemble des institutions familiales, calquées pour l'essentiel sur celles de l'Occident, la Loi n°073/84 du 17 octobre 1984 portant Code de la famille était conçue comme un instrument de promotion et d'émancipation de la femme congolaise.

L'article 5 de son préambule dispose en effet que, « la femme a les mêmes droits que l'homme dans les domaines de la vie privée, politique et sociale».

L'objectif fondamental du législateur était clair, donner à l'institution matrimoniale une orientation nouvelle, qui libérerait la femme de son statut traditionnel et ferait du mariage, le fondement d'une véritable « société conjugale ».

Le code de la famille consacrait il la « condamnation à mort » de la famille traditionnelle, comme le prétendait DECOTTIGNIES ?'

Rien n'est moins sûr, car la loi nouvelle a maintenu un certain nombre d'institutions, puisées dans la tradition, telle que la polygamie et d'autres encore. Aussi, peut-on se demander si ces institutions résurgentes, d'essence traditionnelle, sont compatibles avec les objectifs prônés par le législateur dans le préambule du code de la famille, notamment l'égalité entre l'homme et la femme. Mais, ce n'est pas tant le maintien de ces institutions traditionnelles dans la législation congolaise moderne qui pose question, que l'absence de règles claires et précises, devant régir ces institutions. C'est le cas de la polygamie qui fait l'objet de cette étude et plus particulièrement du volet devoirs des époux, singulièrement, le devoir de fidélité de l'époux polygame.

En principe, la reconstruction égalitaire de l'ensemble de notre droit de la famille, avec pour conséquence, la réciprocité des droits et devoirs entre époux, ne pouvait exonérer aucun des époux de ses devoirs conjugaux. Qu'en est-il du devoir de fidélité dans l'engagement polygamique ? Le code de la famille ne définit pas la notion de fidélité. En se référant à la définition du dictionnaire, on peut légitimement s'interroger sur le contenu véritable qu'il convient d'attribuer à la fidélité dans l'engagement polygamique (I). Cependant, la tentative de réponse à cette interrogation ne manquera pas de soulever d'autres questions notamment celle de la mise en œuvre de cette notion dans ce type d'engagement (II).

Contenu de la notion de fidélité dans l'engagement polygamique

D'emblée, il convient d'indiquer que la polygamie, en principe, n'est pas uniquement la situation d'un homme qui aurait plus d'une femme (polygynie). Ce terme recouvre également, la situation d'une femme qui aurait plusieurs maris (polyandrie). Cependant, cette étude est uniquement consacrée à la polygamie masculine, car, elle seule est autorisée par la loi congolaise.

De manière générale, la fidélité est définie comme un devoir pour chacun des époux de ne pas commettre l'adultère et de ne pas entretenir avec un tiers des relations offensantes pour son conjoint.

L'article 167 du code de la famille qui consacre ce devoir dans le droit congolais dispose : « les époux se doivent mutuellement fidélité. Ils se doivent secours, aide et assistance réciproques pour la sauvegarde des intérêts moraux et matériels du ménage et des enfants ».

Cette disposition appelle deux remarques :

- D'abord, le législateur congolais reprend, presque mot pour mot les dispositions de l'article 212 du code civil français, dispositions consacrées uniquement au mariage monogamique ;

- Ensuite, l'article 167 qui prévoit la fidélité dans le mariage n'établit aucune distinction entre les différents types de mariage prévus par le code. Notamment l'article 121. Rédigé en termes généraux, le devoir de fidélité, comme d'ailleurs tous les autres devoirs matrimoniaux, s'impose à tous les époux sans aucune distinction. Se pose par conséquent la question du contenu de la notion de fidélité dans l'engagement polygamique.

Tenter d'attribuer un contenu à cette notion, exige au préalable l'analyse de la structure de l'union polygamique. C'est ce qui explique le recours à la coutume, source de la polygamie, dans laquelle cette institution était le régime de droit commun. La structure de l'union polygamique coutumière éclairera peut être, sur le sens qu'il convient de donner à la notion de fidélité dans le mariage polygamique.

On s'inspire en la matière de l'ouvrage d'Alexis GABOU qui analyse utilement l'institution polygamique coutumière.

Selon Mr. GABOU, « le mariage polygamique n'est pas une union collective. L'union conjugale de l'époux à chaque femme et de chaque épouse au mari est individualisée. Ce n'est qu'en se plaçant du point de vue du mari, qui est matériellement un, que l'on considère ces unions juridiquement indépendantes, comme un mariage polygamique ».

De cette analyse, il ressort que chaque union contractée par le mari polygame constitue une entité autonome, séparée des autres par des cloisons étanches. Il faut donc comprendre que chaque épouse conclut avec le mari un engagement monogamique avec un époux commun : le polygame. Le mariage polygamique, vu du côté du mari, est donc constitué d'un ensemble de segments, le nombre de segments correspondant au nombre d'épouses, ayant un point commun d'ancrage, le mari. C'est donc la somme des unions monogamiques, autonomes des différentes épouses d'un même mari qui constitue le mariage polygamique.

De l'indépendance de chacun des mariages monogamiques de l'époux polygame, la coutume lui reconnaît la possibilité d'être fidèle à plusieurs épouses, sans voir dans ces relations multiples, une faute. Étant monogame et juridiquement indépendante, chaque épouse est censée ignorer l'existence des autres épouses du mari.

En quoi consiste donc le devoir de fidélité chez le polygame dans cette structure. Comment faut-il l'apprécier ? De l'analyse d’Alexis Gabou, il semble que la fidélité ici, doit être appréciée sur un double plan.

D'abord sur le plan particulier, c'est à dire dans le cadre de chaque mariage monogamique. Ensuite, sur le plan général, dans le cadre de la structure polygamique. Ainsi, le mari polygame doit être fidèle à chacune de ses épouses, mais également à toutes ses épouses. Les rapports sexuels que l'époux polygame entretient avec chacune de ses épouses, constituent un devoir matrimonial légal et ne peuvent être considérés comme un manquement au devoir de fidélité. Il ne s'agit là que de la mise en œuvre du devoir de communauté de vie.

Sur ce point, mais en ce qui concerne la monogamie, J. Hauser et D. Huet Weiller3, affirment que « l'obligation de vie sous un même toit figure largement désormais « honoris causa ». La réalité est ailleurs, dans le vécu quotidien du ménage. Il n'en est pas de même de l'aspect charnel de l'obligation de cohabitation qui demeure, sans doute par l'effet du réalisme de la doctrine canonique du mariage, un véritable devoir mutuel. La survie d'un véritable devoir de cohabitation n'est donc exacte qu'à travers sa dimension charnelle ».

Dès lors la communauté de vie implique une communauté physique, ce qui englobe le devoir conjugal « debitum conjugale ».

C'est cette obligation que traduit merveilleusement, l'adage de Loisel « Boire, manger, coucher ensemble, c'est mariage, ce me semble ».

En ce qui concerne la polygamie, la notion de communauté de vie dépasse effectivement l'exigence de la simple cohabitation, comme l'affirment J. HAUSSER et D. HUET WEILLER. Elle comporte dans ce cas, une grande liberté quant à sa traduction matérielle et à ses modalités d'application.

Ici, en effet, le devoir de communauté de vie implique pour le mari, comme on l'a souligné précédemment, l'obligation légale d'entretenir des relations charnelles avec chacune de ses épouses et, par conséquent, avec toutes ses épouses. Ce devoir, prévu à l'article 166 du Code de la Famille oblige les époux à une communauté de vie respectueuse et affective réciproquement, quelque soit d'ailleurs le type d'union. Mais, le législateur précise à l'alinéa 2 « qu'en cas de polygamie, chaque épouse est en droit de prétendre à l'égalité de traitement par rapport à l'autre ».

On peut alors s'interroger si l'on ne doit pas considérer que la fidélité du mari polygame se caractérise par l'égalité dans le traitement des épouses, notamment sur le plan sexuel.

On peut le penser. Dans ce cas, l'épouse ou les épouses non bénéficiaires de cette égalité, celles qui sont délaissées, seraient victimes de l'infidélité du mari commun.

Cependant, si on adopte cette conception de la fidélité du polygame, ayant pour fondement l'égalité de traitement des épouses, il faut reconnaître qu'elle ne résout pas véritablement la question du contenu de cette notion. Tout au contraire, elle suscite d'autres questions auxquelles il semble difficile, sinon impossible d'apporter des réponses objectives et acceptables.

En effet, on peut s'interroger sur les critères d'appréciation et d'évaluation de cette égalité de traitement. Qui a le pouvoir de les fixer. Le mari lui même ? Chacune des épouses séparément ou de manière concertée par toutes les épouses ? Comment apprécier cette égalité de traitement ?

Le législateur qui a prévu cette égalité de traitement n'en a pas fixé le contenu, encore moins les modalités d'application. Cette question de l'égalité de traitement reste donc entière. Il faut par conséquent reconnaître que la conception de la fidélité, fondée sur l'égalité de traitement éloigne encore plus de la définition proposée au début de cette étude.

Peut être conviendrait il de faire une synthèse entre la conception de la fidélité segmentée tirée de la thèse de Mr. GABOU et la conception égalitariste de l'article 166 alinéa 2 du Code de la Famille et définir la fidélité du polygame comme celle résultant de la somme de la fidélité à l'égard de chacune de ses femmes, traitées de manière égale.

Cette définition n'est pas satisfaisante, mais elle a le mérite de donner au devoir de fidé-connaissant qu'elle comporte des lacunes, et laisse en marge un certain nombre de questions, notamment en ce qui concerne sa mise en œuvre.

II. La mise en œuvre de la fidélité du polygame

En partant du postulat de la non limitation du nombre d'épouses possibles pour un polygame dans notre législation, en excluant l'hypothèse rare, du mari qui contracte simultanément ses mariages, il faut reconnaître que dans les autres cas, le mari polygame voulant exercer le droit que la loi lui reconnaît, épouser plus d'une femme, passe nécessairement par une période plus ou moins longue d'infidélité.

C'est ici que l'analyse d'Alexis GABOU montre ses limites. La critique fondamentale que l'on peut adresser à cette analyse consiste dans le fait que, l'auteur n'envisage l'union polygamique qu'au stade où le polygame a déjà épousé plus d'une femme. Elle élude la période comprise entre la découverte d'une éventuelle future épouse supplémentaire et la légitimation de cette union devant l'officier de l'état civil.

La découverte d'une éventuelle future épouse n'entraîne pas nécessairement la conclusion d'un mariage supplémentaire. Ce n'est encore qu'un projet, en attendant d'être consacré par l'autorité compétente. Dès lors, on peut légitimement penser que les rapports sexuels que le polygame entretiendrait avec une éventuelle future épouse constituent une infidélité à l'égard de son ou de ses épouses. L'éventuelle épouse n'est pas encore un segment indépendant de l'union polygamique. On peut donc légitimement douter de l'efficacité de la théorie de Mr. GABOU, notamment, dans sa mise en œuvre.

Pour soutenir cette argumentation, il suffit de se référer au code de la famille, mais également au Projet du Code Pénal Congolais (PCPC).

En effet, en son article 122 et suivants, le code de la famille met en place une nouvelle institution, dénommée, prémariage. Le législateur fait du prémariage un préalable à toute célébration du mariage et exige des prémariés une fidélité mutuelle(article 125 alinéa 2). Tout manquement à ce devoir constitue un motif légitime de rupture du prémariage (article 125 alinéa 3).

Quant au PCPC, l'article 280 prévoit que « le fait pour une personne engagée dans les liens du mariage ou du prémariage, d'avoir des relations sexuelles en quelque lieu que ce soit avec une autre que son conjoint ou son prémari, constitue le délit d'adultère. »

On constate donc que, ni le code de la famille, ni le PCPC n'exemptent le polygame de l'obligation de fidélité.

Dans le principe le polygame est soumis aux mêmes devoirs que le monogame. Il faut donc se demander de quelle manière s'opère le changement de statut de monogame à bigame, tétragame et suivant, sans qu'il y ait à un certain moment, dans cette mutation, violation de l'obligation de fidélité. L'époux ayant opté pour la polygamie est il dispensé de l'obligation de fidélité pendant les périodes précédant les nouveaux mariages ? Telle est la question.

Du point de vue du droit positif, la réponse est sans conteste négative. Aucun texte ne prévoit une quelconque dispense au profit du polygame. Tout au contraire, le devoir de fidélité s'impose à tous, quelle que soit l'option choisie par les mariés. Par conséquent, si on applique cumulativement les dispositions des articles 125 et 167 du Code de la Famille à l'époux qui veut faire valoir son droit à la polygamie, en principe, il est coupable d'une double infidélité :

     infidélité vis à vis de la pré mariée, car, selon les dispositions de l'article 125, « les pré mariés doivent se conduire d'une manière réservée à l'égard des tiers ». L'antériorité du premier mariage du polygame ne justifie en rien son attitude. Pour la pré mariée, la première épouse et les autres ne sont que des tiers.

     infidélité vis à vis de l'épouse, ou des épouses, conformément à l'article 167. Le mari entretenant des rapports avec une femme, même pré mariée, mais qui n'est pas encore une épouse, un segment indépendant de la structure polygamique, est un tiers à l'égard de ou des épouses.

La situation de notre mari pré mari est assez singulière. Il ne peut exercer un droit que la loi lui reconnaît sans pour autant méconnaître son double devoir de fidélité. L'infidélité est pour lui un passage obligé conduisant à une union supplémentaire. Infidélité qui ne dure que le temps nécessaire à la légitimation de l'union par l'officier d'état civil. C'est peut être cette limitation dans la durée qui explique que cette infidélité bénéficie de la tolérance populaire et même des largesses du juge. Pour preuve, on citera l'extraordinaire et unique décision en la matière, de la Cour Suprême qui avait prononcé la dissolution d'un mariage polygamique, pour cause d'infidélité du mari.

La rupture définitive de l'union polygamique entre monsieur Z. MILANDOU et G. DIANGOUAYA était la dernière d'une longue série, suivies de réconciliations (6), ayant toujours la même cause, l'infidélité du mari et les violences exercées sur la femme par le mari, suite à la jalousie manifestée par G. DIANGOUAYA, son épouse, à l'occasion des relations sexuelles extra conjugales de son époux.

À la septième rupture, dame G. DIANGOUAYA refuse de rejoindre le domicile conjugal, malgré les tentatives de réconciliation des parents et du juge. Tels étaient les faits.

La décision qui prononça la dissolution de cette union, aux torts respectifs des époux est surprenante à plus d'un titre et plus particulièrement en ce qui concerne l'appréciation par la Cour de l'infidélité de l'époux.

Le juge suprême affirme, sans sourciller, que « ...la jalousie manifestée par celle-ci, (l'épouse) à l'occasion des relations sexuelles extra conjugales de l'époux, alors que s'agissant d'un mariage polygamique, cette jalousie apparaît excessive, ces relations sexuelles extra conjugales pouvant être assimilées à des recherches tendant à contracter d'autres mariages. »

Argument d'une logique inattaquable, application concrète de l'adage « on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs », sauf que casser des œufs n'est pas interdit, tandis que l'infidélité dans le mariage est en principe interdite et sanctionnée par la loi aussi bien civile que pénale.

Certains trouvent que cette décision est un modèle de raisonnement juridique. Or on n'adopte pas une solution juridique parce qu'elle constitue simplement une logique. On l'adopte parce qu'elle est socialement satisfaisante.

C'est dire que cette décision est critiquable à plus d'un titre, notamment en ce qui concerne l'appréciation du juge de la jalousie de l'épouse qu'il trouve « excessive ».Les tenants de la thèse de la logique juridique peuvent ils déterminer le taux de jalousie juridiquement acceptable et quelle en est l'unité de mesure ?

Selon la décision précitée, toute relation sexuelle extraconjugale d'un époux ayant opté pour le régime de la polygamie, fait présumer la conclusion d'un mariage supplémentaire. Le fondement de cette jurisprudence semble être l'option choisie au moment de la célébration du premier mariage. Cette option a donc pour effet d'effacer le caractère fautif des relations sexuelles extra conjugales. La conclusion d'autres mariages serait pour le polygame une obligation, un devoir légal, qui justifie le droit d'entreprendre des recherches, de prospecter, dans un seul et unique but : être en conformité avec l'option choisie, donc avec la loi.

L'examen de cette décision montre que la situation du mari polygame ressemble, mutatis mutandis, à celle d'une société pétrolière.

On ne peut en effet, reprocher à une société pétrolière d'entreprendre des forages dans le cadre de son activité, de prospecter, même, si tout forage n'aboutit pas nécessairement à la découverte et à l'exploitation d'un champ pétrolifère. Tel est le cas du polygame dans ses recherches. Toute relation extra conjugale n'entraîne pas forcément la conclusion d'un nouveau mariage mais, le présume. 11 s'agit en réalité d'un test, « un -banc d'essai ». Le polygame sera toujours à la recherche d'un « bon gisement ». Il est en perpétuelle prospection, puisque le code de la famille ne limite pas le nombre d'épouses possibles pour lui. La seule limite étant sans doute ses capacités physiques et financières. Il en est de même de la société pétrolière dont le développement dépend de sa surface financière et de ses moyens techniques.

On peut donc présumer que l'infidélité du polygame se traduit par la création d'un mariage nouveau. Il en résulte que la fidélité définie par le Droit commun est contredite ici dans les faits, polygamie et fidélité sont par conséquent deux notions antinomiques. Ce genre de situation fait dire à M. G. A. KOUASSIGAN que, « la résistance des mœurs confronte les États africains avec d'énormes difficultés qui se manifestent par des imperfections techniques, à la fois formelles et fondamentales des nouvelles lois, créant des situations contraires au dessein des législateurs ».

La définition de la notion de fidélité dans l'engagement polygamique ne correspond nullement à celle du bon vieux Droit Civil, et ne peut être mise en œuvre. C'est ailleurs qu'il faut la rechercher, encore faudrait il qu'elle existe.

Le Père Jean MORIZUR, dans son homélie, à l'occasion du mariage du Président de la Cour Suprême du Congo, s'agissant du devoir de fidélité déclare, « l'infidélité n'est pas sexuelle. L'infidélité c'est le fait de mener sa vie sans penser à l'autre ».

Pour l'homme d'Église, les relations sexuelles extra conjugales ne constituent pas nécessairement une infidélité. C'est dire que l'important n'est pas dans l'acte sexuel. L'infidélité est un état d'esprit, excluant tout ce qui est bassement charnel.

Il s'agit peut être là d'une conception intellectualiste, métaphysique de la fidélité dont on se refuse de débattre, car elle éloigne du Droit. Toutefois, on peut quand même dire que cette définition rejoint dans une certaine mesure celle de la fidélité égalitariste envisagé précédemment, et indiquer que les interrogations soulevées dans sa mise en œuvre sont sensiblement les mêmes.

Tant que la loi, dans la pratique, ne sanctionne pas l'infidélité du polygame, en principe, cause de divorce et délit pénal, et tolère une situation de fait, l'adultère ne peut que prospérer. Le législateur congolais aurait pu s'inspirer de son homologue sénégalais qui, lui aussi prévoit la polygamie (article 133) et la fidélité (article 150) mais a le mérite de limiter le nombre d'épouses. Ainsi, l'article 133 du code de la famille sénégalais dispose :

« Le mariage peut être conclu :

     soit sous le régime de la polygamie, auquel cas l'homme ne peut avoir simultanément plus de quatre épouses ;

     soit sous le régime de la limitation de  polygamie ;

     soit sous le régime de la monogamie. »

L'option de limitation de polygamie constitue une restriction du nombre d'épouses que le mari peut avoir simultanément. Cette option est définitive comme celle de monogamie, sauf la possibilité de restreindre encore la limitation antérieure par une nouvelle option. Ainsi, par la limitation du nombre d'épouses, il est possible de donner un certain contenu au devoir de fidélité dans la polygamie.

Conclusion,

On peut estimer que dans le Droit congolais, le polygame bénéficie d'un traitement juridique de faveur. Il tolère la concomitance du mariage et des situations de fait proche de l'union légale mais n'ayant pas acquis la valeur du mariage. Cette sorte de laxisme, de « libéralisation » du devoir de fidélité qui ne s'arrête pas à une passivité vis à vis de l'infidélité du conjoint polygame, permet, d'une part de faire produire des effets à celle-ci, et établit d'autre part une inégalité de traitement avec les autres catégories d'époux (monogame, épouses de polygame).

En dernière analyse, on doit reconnaître que le devoir de fidélité entre époux, dans le mariage polygamique a perdu de sa force. Il ne concerne plus, en définitive, que les épouses qui toutes, doivent être fidèles à un même mari, légitimement infidèle.

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L'article est extrait de l'ouvrage de Ounimé Fred Jonas MATOKOT  à paraître sous le titre Quelques questions autour du droit aux Éditions Cesbc Presses.

 

 

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