ÉMEUTES DE LA FAIM : QUELLE SOLUTION ?

Le 23 avril 2008

 

Aimé D. Mianzenza

 

Éviter les erreurs  qui ont conduit à la marginalisation de l'agriculture en Afrique

Augmentation de l'aide alimentaire et suspension des droits de douane et autres taxes sur les importations : voilà les solutions proposées pour faire face aux émeutes de la fin qui éclatent un peu partout dans les pays en développement, particulièrement en Afrique. Ces mesures sont à courte vue. Elles permettront peut-être de faire face immédiatement à une situation devenue incontrôlable et donc susceptible de déstabiliser plus d'un régime. Ventre affamé n'a point d'oreille dit-on ? Cependant, elles ne règlent rien sur le fonds.

Les tensions actuelles sur les prix mondiaux montrent que la demande des produits alimentaires est largement au-dessus de l'offre et la situation risque de durer. Dans les pays producteurs les stocks sont au plus bas. Ils ont atteint un niveau critique qui menace leur sécurité alimentaire. Par ailleurs une part non négligeable de la production est détournée pour la production de biocarburant. Les possibilités de prélèvements supplémentaires sur les stocks mondiaux pour augmenter l'aide alimentaire (déjà importante pour certains pays) sont donc très limitées.

Dans les pays importateurs, les produits alimentaires sont déjà très faiblement taxés. Leur détaxation totale n'aura pas d'impact significatif sur les prix. Au contraire, elle va contribuer à déprimer un peu plus la commercialisation primaire des produits agricoles locaux, sinon la production agricole elle-même.

En effet, face à la concurrence déloyale que leur livrent les produits importés vendus moins chers que leurs coûts de production, (en raison de subventions importantes dont ils bénéficient à l'exportation dans les pays d'origine), les producteurs locaux préfèrent abandonner que de céder leurs produits à vil prix. En outre, le modèle de développement choisi par les pays africains qui polarisent les principaux investissements structurants dans quelques centres urbains est à la base de la marginalisation du secteur rural, notamment de l'agriculture. Par exemple 4 % seulement de l'aide internationale vont à l'agriculture. Au Congo, au Gabon, en Guinée équatoriale, et quelques autres pays, le secteur agricole a été réduite à une portion congrue;  on y a assisté à une  "dépaysanisation" accélérée, la rente pétrolière ayant transformé ces pays en "économie de consommation" en sacrifiant la production (syndrome hollandais).

Dans ce contexte, la recherche de l'ajustement travail-besoin conduit ainsi les paysans africains (qui sont pour la plupart de petits exploitants) à accepter les risques de la pénurie plutôt qu'à fournir un surtravail sans objet. Fermé sur lui-même, l'agriculture africaine  ne produit aucun d'excédent. Au niveau national, il a laissé le champ libre aux importations, créant ainsi de graves problèmes de sécurité voire d'indépendance alimentaire, on le voit  actuellement avec la brusque variation des prix sur les marchés internationaux.

Au niveau des unités de production (exploitations), le système ne permet pas de faire face à une chute brutale de la production ni à une augmentation imprévue et prolongée du nombre de consommateurs du groupe familial. En cas de situation d'infortune (incapacité physique ou décès d'un membre influent de la famille, pertes des récoltes, etc.), on bascule dans la précarité et dans le processus de paupérisation.

L'ensemble de ces considérations conduit ainsi à proposer qu'il est nécessaire de repenser les politiques agricoles en concentrant les efforts sur les points suivants :

  • soutenir et de développer la capacité  production des exploitations  familiales;

  • rééquilibrer les investissements en faveur  des infrastructures desservant les zones rurales.

  • créer une exception pour l'agriculture dans les négociations pour les accords de partenariat économique (APE).

L'idée est de rendre les producteurs plus autonomes en leur donnant la possibilité d'accéder à un minimum de services et infrastructures de base. Une répartition plus équitable des revenus par l'élargissement de l'accès aux services de base étant admise, l'accession ou l'amélioration du revenu monétaire devient l'objectif majeur de la stratégie d'amélioration de la situation des populations agricoles. On ne peut y parvenir que par la modernisation des exploitations et par des possibilités accrues d'emploi hors exploitation. Ces possibilités dépendent d'une série d'autres améliorations dont beaucoup sont financièrement très coûteuses et appellent des modifications fondamentales de la structure économique et sociale. Elle nécessite une croissance économique très favorable à l'agriculture.

Bibliographie

MIANZENZA, A. D., (2001), Gabon. L'agriculture dans une économie de rente, Paris, L'Harmattan.

 

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